Thomas Harlan n’est pas nouveau dans le petit monde de l’Imaginaire, puisqu’il en est un acteur depuis 1983 et son « Lord of the Earth », wargame qui eu son comptant de fans et qui poursuit sa carrière en tant que jeu par email.
« Le Serment de l’Empire » fut son premier ouvrage, segmenté en 4 volumes en anglais. Malheureusement, et c’est pourquoi cette critique est presque posthume, Fleuve Noir n’en édita que le premier tome en 2000/2001, lui-même divisé par les visées éditoriales en deux livres : « L’Ombre d’Ararat » et « Les Clefs du Pouvoir ». Vous pouvez trouver des occasions, mais plus rien en rayon. Le reste attend toujours d’être traduit, et Fleuve Noir ne semble plus avoir ce projet dans ses cartons puisque le nom de l’auteur a disparu de leur catalogue…
Et c’est bien dommage…car nous tenions là une uchronie de grande qualité, révélant le talent d’écrivain de Thomas Harlan, doté d’une plume mature et d’une imagination débordante.
Disons le tout de suite : l’auteur sait mettre de la couleur dans ses histoires, et ses descriptions sont quasi-irréprochables. Le luxe de détails dont il nous abreuve relève d’une connaissance certaine des lieux comme des vêtements, et ses couchers de soleil –entre autres instantanés de son monde- sont tout à fait saisissants, sans grandiloquence.
Pour le reste, le style est propre ; juste un peu confus lors de certaines scènes à « suspens ». Il a peut-être un peu de mal à rythmer, mais je pinaille franchement, histoire d’être objectif. Les batailles sont aussi décrites avec précision et la partie tactique n’échappe pas au regard que Thomas Harlan porte sur son monde. C’est complet, et ce n’est pas si fréquent.
Les personnages sont attachants, mais je ne goûte guère la volonté manifeste de l’auteur de mettre en scène ses personnages historiques favoris (Jules César, Alexandre Le Grand), quitte à faire de l’un de ses héros un nécromancien n’hésitant pas à mettre les mains dans le cambouis sanglant… C’est d’autant plus dérangeant que notre cher Jules (ben oui, il a quand même déculotté les gaulois) en est réduit à jouer les hommes de main destiné aux basses besognes. Sinon, la galerie est fort sympathique, du monarque fou à la jolie esclave. Il y a du monde à suivre, et les péripéties des uns et des autres nous tiennent en haleine d’un chapitre à l’autre sans nous faire ciller. Une farouche romaine, un cadet impérial, un sorcier égyptien, un apprenti sorcier hibernien ; bref, vous avec le choix du roi, surtout que les points de vue se multiplient au cours de l’histoire, alors que les voiles se lèvent sur l’ennemi et que les protagonistes sont de plus en plus nombreux.
Le récit se situant au 7ème siècle après qu’un bonhomme se soit fait cloué sur une croix (pas d’imprécations excommunicatoires, s’il vous plaît…), Harlan utilise le contexte politique mouvementé de l’époque (fin du monde perse, naissance du musulman) pour agrémenter une histoire dont il fait sa propre sauce en y ajoutant les ingrédients de l’Empire Romain d’Orient (pas vraiment uchronique) et d’Occident (carrément, là). Le résultat reste cohérent, bien que peut-être un peu compliqué pour qui n’a aucune connaissance géopolitique historique de l’Antiquité et du Haut Moyen-Âge en Orient. Cela dit, l’auteur pousse le vice jusqu’à nous fournir des cartes et des plans de bataille en annexes, alors vous n’avez pas d’excuses pour ne pas suivre avec un peu de bonne volonté et beaucoup de curiosité.
Je ne connais toujours pas le fin mot de l’histoire de cette saga (j’attends mes imports) qui ne manque pourtant pas d’atouts pour la rendre appétissante aux yeux et aux portefeuilles des maisons d’édition française. Si vous lisez l’anglais, faites comme moi, et vous ne le regretterez pas.