La saga du « Lion de Macédoine », de David Gemmell (« Légende », « Le Roi sur le seuil », « Waylander », et j’en passe) retrace l’histoire romancée du général grec Parménion, qui servit les rois de Macédoine Philippe II et son fils Alexandre III, passé à la postérité sous le nom d’Alexandre le Grand… Le point de vue de l’auteur est donc original, puisqu’il a l’intelligence d’utiliser un personnage historique sans s’attaquer à ceux que l’on connaît le mieux et dont les biographies sont chasses gardées. Cela lui permet d’utiliser une trame déjà écrite et de se frotter aux grands noms de l’histoire antique, tout en l’étoffant de ses propres projections. Au passage, on en apprend pas mal, et même si certaines libertés sont prises par l’auteur, la Grèce antique prend un peu vie sous nos yeux, à cette époque charnière ou la Macédoine va prendre le relais de l’hégémonie politique grecque sur le bassin méditerranéen.
La base du roman se veut historique, et Gemmell s’est clairement documenté sur son sujet, notamment sur Sparte. Or, la première partie du récit suit Parménion dans ses premières années dans la cité du Péloponnèse. C’est d’ailleurs la plus intéressante. On suit avec délectation le personnage dans les allées de la cité, se mélangeant à la vie des habitants de ce que fut peut-être la plus martiale des cités de tous les temps. On en vient même, au vu de la glorification qui en est faite (fusse pour la crédibilité de l’œuvre), à se demander si Gemmell ne fait pas un parallèle dérangeant avec un certain modèle socio-culturel moderne…
Puis, au fil du récit, à l’histoire se mêle de plus en plus le fantastique qu’affectionne l’auteur. Malheureusement, ce passage, qui se veut subtil, fait perdre de sa substance au « Lion de Macédoine ». La faute, sans aucun doute, au contraste marqué Histoire et imaginaire, forcément moins détaillé. Aussi, le tome 2 et le tome 3 (pour l’édition reliée, mais il existe également une version en poche) sont moins plaisants à parcourir, malgré le fait que les rois macédoniens entrent dans la partie. De même, la chronologie de l’œuvre s’accélère dans son second temps, et le survol des évènements historiques ne permet pas forcément de renforcer la cohérence de l’ensemble, malgré le fait que l’auteur s’en sorte plutôt bien. Encore une fois, c’est affaire de contraste entre les deux parties de l’oeuvre, plus que de talent d’écrivain.
On peut également reconnaître à Gemmell l’usage de quelques belles pirouettes scénaristiques, comme cet épisode dans un monde parallèle mythologique, dont centaures et minotaures foulent effectivement le sol. Simple, et pourtant ingénieux lorsqu’il s’agit de faire coïncider légendes et réalités de notre patrimoine culturel.
« Le Lion de Macédoine » est donc une saga rafraîchissante, qui tâchera de satisfaire les historisants comme les fantaisistes…mais à trop faire le grand écart entre le monde réel et le monde imaginaire, il peut laisser une impression mitigée, vite oubliée par le mérite de l’auteur, d’avoir offert aux amateurs un roman antique et fantastique, chose rare sur nos étagères. Surtout, il restera aux lecteurs le plaisir d’avoir pu rêver la vie d’un des généraux qui auront engendré l’histoire, avant de se faire emporter par elle…