
« La Cité Interdite » est un drame qui semble sorti tout droit de l’imagination d’un Shakespeare, car l’œuvre est en définitive plus proche d’une pièce de théâtre que d’un film, tant la Cité en question semble être un personnage à part entière, sorte de sarcophage ostentatoire dans lequel se meure une Reine interprétée par Gong Li.
Les décors et les costumes, tellement colorés qu’on finit par se demander s’ils purent être authentiques (les armures ne le sont bien sûr pas, ni les colonnes, sans doute…), donnent au film sa « couleur », son âme, sans pour autant occulter les acteurs. Quoi qu’il en soit, Zhang Yimou (« Epouses et Concubines », « Le Secret des Poignards Volants », « Hero »,…) nous propose par ce biais sa vision d’une prison dorée, qui est donc l’occasion de nouer un drame familial dont la chute est tout à fait dans l’esprit d’un certain théâtre mélodramatique.
Le caractère « claustrophobique » de la Cité Interdite est aussi son principal défaut, car on finit par manquer d’horizon, puisque même les quelques scènes d’extérieur sont tournées de nuit, pour éviter au spectateur de pouvoir sortir la tête de l’eau. Si j’apprécie la démarche artistique, j’ai quand même fini par tourner en rond dans le palais. Heureusement, l’intrigue parvient tout de même à nous tenir en haleine, grâce notamment à la bonne interprétation des acteurs, dont l’excellent Chow Yun-Fat, très à son aise dans ce rôle de despote sans scrupules ni pitié, maître d’un palais flamboyant dissimulant sa propre malveillance.
Les codes de « La Cité Interdite » restent néanmoins (et l’on ne le reprochera pas au réalisateur) ceux du cinéma asiatique, et l’œuvre de Zhang Yimou ne parlera peut-être pas à tous les spectateurs occidentaux. Surtout, je reste sur ma faim de n’avoir ni réalisme ni authenticité, notamment dans les scènes de combat. Cela n’affligera sans doute que peu d’entre les spectateurs, mais le cinéma chinois s’est jusqu’à maintenant gardé de son histoire et de montrer sa violence (l’humour est en effet omniprésent dans les films d’action historiques chinois), à cause du regard autrefois acéré de la faucille et du marteau, censeur de sa propre histoire et peu enclin à favoriser les velléités de révolte.... On ne s’étonnera donc pas que « La Cité Interdite » ne fusse qu’un film d’inspiration historique qui tente, via la forme du mélodrame théâtral, de retranscrire ce que put être la Chine impériale ancienne. On imagine sans peine que ce scénario centré sur la corruption et la traîtrise, voire la décadence, puisse être transposé dans les couloirs modernes d’un certain parti chinois… Plus qu’un film historique, « La Cité Interdite » est davantage l’œuvre d’un artiste moderne, qui n’use d’un contexte que pour servir son imagination, voire son message politique…