Double assassinat dans la rue morgue est l'une des nouvelles les plus connues d'Edgar Allan Poe, aux côté de la sublime « lettre volée » et du « Scarabée d'Or »... Connu en France grâce à la plume de Baudelaire qui traduisit les nouvelles extraordinnaires, Poe est considéré comme beaucoup comme le père du roman policier moderne, comme le souligne un intéressant dossier qui clos l'album. Cette nouvelle a sans doute inspiré Leroux pour son célèbre mystère de la chambre jaune quant à l'idée d'un crime commis dans une pièce au prime abord fermée de l'intérieur.

Après avoir adapté avec un certain brio le procès de Kafka, Céka et Clod nous propose donc une nouvelle adaptation d'un classique de la littérature. Ils n'ont pas hésite à retoucher le récit pour le rendre plus conforme à la véracité historique mais aussi et surtout moins figé. A l'ingénieux Dupin (avec qui Sherlock Holmes entretien une évidente filiation), ils adjoignent un nouveau personnage qui lui servira de faire valoir tout en lui permettant d'exposer sa théorie sur le double assassinat sans paraître par trop didactique. Le jeu était périlleux mais force est de reconnaître que cette adaptation non littérale est des plus réussies.
Le dessin de Clod (qui est aussi scénraiste à ses heures puisqu'il a signé les forts agréables Carnets de Georg Weiss illustré par Benoît Frébourg) est toujours aussi éléguant. Il confère au récit une certaine légereté et aident au final l'histoire à se démarquer du texte original tout en lui apportant fraîcheur et modernité.

Cette adaptation est sans nul doute une réelle réussite, tant sur le plan graphique que sur le plan scénaristique. Les deux auteurs ont su dépoussiérer le texte tout en conservant l'implacable logique de l'enchaînement des événements. Et force est de reconnaître qu'une fois l'album clos, on éprouve l'irrésistible envie de se replonger dans les textes de Poe...