On retrouve dans Sang Royal les ingrédients de toutes BD signée Alejandro Jodorowsky : le sexe, l'inceste, la fascination pour la mutilation, le sang, la trahison, la haine, la violence, l'exacerbation des sentiments et... un dessinateur époustouflant... le tout porté ici à son paroxysme... Les amateurs du scénariste chilien seront donc en terrain connu. Ceux qui découvriront le maître avec cette série pourront douter de sa santé mentale tant le scénario se veut tortueux à souhait...
Pourtant, malgré ses indéniables excès qui font se dire au lecteur « non, là, c'est vraiment trop », il se dégage de ce diptyque un souffle épique indéniable même si l'histoire d'Alvar tient plus du conte symbolique que de l'épopée guerrière... L'ancienne Reine Violena et le Prince Rador rongés par une haine dépassant l'entendement ourdissent leur vengeance, prêt à perdre la vie pour lui donner corps. L'amour du Roi pour sa prétendue fille survivra-t-il à cette cruelle épreuve? Par le truchement de surprenants retournements de situation (revirements?) dont il a le secret, Jodo mène le lecteur par le bout du nez, l'entraînant bien loin des sentiers battus, à mille lieux de ce qu'il aurait pu supposer...
Côté dessin, on ne peut qu'être admiratif devant l'époustouflant travail de Dongzi Liu, jeune dessinateur chinois qui refera parler de lui. Son dessin, synthèse des influences asiatiques et européenne est saisissant et son travail sur la lumière force le respect, offrant au lecteur des cases de toute beauté. Pourtant, si cet illustrateur excelle dans son art, la narration manque parfois de fluidité, défaut que l'on pouvait aussi reprocher au génial et tourmenté Andreï Arinouchkine qui a signé Ewen chez Daniel Maghen. Gageons que ce léger défaut s'estompera dans ses prochain albums que l'on ne peut qu'attendre avec impatience...
Sang Royal est une série de dark-fantasy à la sauce Jodo, donc nécessairement dérangeante et emplie de perversité... En refermant ce tome, on hésite à crier au génie ou à la pure folie... Mais l'un et l'autre sont peut-être finalement que les deux faces d'une seule et même pièce... A lire mais à réserver à un public averti (et sain d'esprit
).