Après avoir fait ses premières armes en BD dans les albums pour enfants et les albums humoristiques, Zidrou a signé le bouleversant Lydie, dessiné par Jordi Lafebre. C’est dans la lignée de cet album que s’inscrit la Peau de l’ours. Oriol, qui signe sa première bande-dessinée, s’impose d’emblée comme un auteur complet possédant un style remarquable qu’il met au service d’une histoire solidement charpentée, à la fois forte et bouleversante. L’histoire est celle d’un vieil aveugle qui livre au jeune homme qui vient chaque jour lui lire l’horoscope le récit da sa vie. Une vie pleine de sang, de fureur, de folie, d’amour et de lâcheté, avec en ligne de mire la vengeance… Si la couverture évoque au prime abord un western crépusculaire, c’est à une histoire de mafieux que le lecteur est convié par deux auteurs des plus talentueux.

Chaque jour, Amadeo vient faire la lecture de l’horoscope à Don Palermo, un vieil homme arrivé au crépuscule de la vie. Dans ce dernier, il le sait, son amour de jeunesse lui annoncera sa venue prochaine. Au fil des jours, une certaine complicité se tisse entre le vieillard et le jeune homme. Mais chacun d’entre eux cache un sombre secret.
Qui aurait pu soupçonner que le paisible vieillard fut montreur d’ours dans un cirque itinérant avant de devenir l’homme de main de Don Pommodoro, un chef mafieux sanguinaire qui s’applique à ne jamais se coucher sans avoir maculé de sang son élégant costume blanc… Un personnage aussi inquiétant que fascinant qui endosse le rôle de mentor du jeune Palermo et n’est pas sans évoquer quelque démon dans son rôle de tentateur cruel qui souffle le chaud et le froid pour mieux asservir le jeune homme.
Palermo s’est juré de venger la mort de son ours que le mafioso a froidement abattu. Mais tout n’est pas si facile car pour pouvoir atteindre Don Pommodoro, il faut gagner sa confiance et pour se faire commettre des actes répugnants et faire couler le sang… Pour compliquer sa vengeance, le jeune Palermo tombe éperdument amoureux de sa fille, la douce et délicieuse Mietta… Quand au secret d’Amadeo, il ne nous appartient pas de vous le révéler ici mais il apporte une dimension shakespearienne à l’ensemble et tout son sel au récit.


Servi par des dialogues finement ciselés et portés par des personnages truculents, l’histoire happe le lecteur dès les premières pages pour ne plus desserrer son emprise qu’à la toute fin de l’album. Le trait très stylisé et fabuleusement expressif d’Oriol sert admirablement la trame concoctée par Zidrou. Ses planches sont magnifiques et retranscrivent avec une désarmante simplicité les différentes atmosphères de chaque scène. De la folie sanguinaire de Don Pommodoro en passant par la troublante sensualité de la jeune Mietta, ce jeune auteur fait montre d’un incroyable talent et d’une remarquable maîtrise graphique... Il est plus que probable qu’il fasse parler de lui dans un avenir proche tant ce premier album est maîtrisé et doté d’une forte personnalité.


Zidrou a une fois de plus composé un récit tendre et cruel, formidablement bien construit et superbement mis en image par un jeune auteur des plus prometteurs. A travers ce récit initiatique très équilibré, tous deux parviennent à faire passer le lecteur par une palette d’émotions riches et foisonnantes au cours d’un formidable numéro d’équilibriste faisant osciller le récit entre polar sombre et cruel et comédie, le tout teinté d’un romantisme et d’une mélancolie délicieusement prenante…
La Peau de l’ours est incontestablement un chef d’œuvre du neuvième art, l’un des meilleurs albums parus ces derniers mois… Une lecture estivale dors et déjà incontournable…