Après un premier tome à couper le souffle, Frédéric Brrémaud et Federico Bertolucci renoue avec la bande dessinée animalière avec Le Renard, un nouvel album sans texte et sans paroles. Un album certes muet mais à la fois captivant et incroyablement prenant, vecteur d’une foule d’émotions. On y découvre une nature sauvage soumise à une sourde menace : une éruption volcanique sur une île du grand nord abritant une faune et une flore d’une richesse insoupçonnée. Se plonger dans cet album, c’est se laisser envoûter par les planches absolument sublimes et un incroyable rendu de la beauté et de la sauvagerie de Dame Nature.

D’un point de vue narratif, l’album est un petit bijou d’une rare fluidité. Remarquablement construit, le crayonné de Bertolucci est d’une incroyable précision et sa mise en couleur numérique ne peut que forcer l’admiration. Les allergique aux palettes graphiques ne pourront qu’être subjugués par les formidables capacités de l’outil quand il est manipulé par des mains expertes et inventives! A la fois documentaire animalier et histoire forte et poignante, cet album se boit comme du petit lait!
La nature, qui n’était que décor dans le premier album devient personnage à part entière, dans tout sa violence brute qui menace d’engloutir l’île, ce tout petit monde perdu dans les eaux polaires. Bertolucci excelle dans la retranscription des paysages enneigés ou aquatiques comme il excellait dans celle de la jungle luxuriante du premier opus. Voir ces créatures aquatiques se livrer une lutte sans merci pour la survie, contempler ces rochers escarpés où l’eau et le feu semble se lancer dans une chorégraphie tout à la fois sublime et terrifiante se révèle être un incroyable plaisir. Et l’on tremble pour ce renard borgne qui semble foncer vers le danger alors que les autres animaux le , gagnant les hauteurs alors que les autres cherchent à atteindre un océan qu’ils pensent salvateur…
Une fois encore, les deux auteurs parviennent l’exploit de donner au lecteur une histoire qui s’aborde par les cinq sens. Le froid et la chaleur, les cris rageurs ou effrayés des animaux, le bruit sourd du grondement d’un volcan qui se réveille, le goût du sang, et cette odeur suffocante de souffre qui se répands dans les méandres de l’île.

Frédéric Brrémaud et Federico Bertolucci entraînent le lecteur vers des contrées inconnues, inexplorées jusque-là en bande dessinée. Car si l’on a déjà vu des bd animalière (série où des animaux antropomorphiques incarnent des créatures dans une société bien humaine) de qualité, celle-ci s’approche du documentaire par la puissance des émotions qu’elle provoque (à mi-chemin entre fascination et répulsion) tout en déroulant une historie forte et poignante… du grand art… on ne peut qu’être subjugués par leur talent et leur époustouflante audace!