Né en 1998 sous la plume d’Ange et les pinceaux agiles d’Alberto Varanda, la Geste des Chevaliers Dragons (deux auteurs qui ont déjà travaillé ensemble sur le fabuleux jeux de rôle Bloodlust) continue de s’enrichir chaque année d’une nouvelle histoire, d’une nouvelle pierre ajoutée à l’édifice narratif échafaudé par Ange, auteur bicéphale connus sous le nom de G.E. Ranne.
Car, à l’instar de la Geste Arthurienne, l’histoire des Chevaliers Dragons se construit par petite touches, au grès d’exploits individuels contés dans chaque album.
Alors qu’elle s’apprêtait à affronter un dragon, Saraï, membre de l’ordre séculaire, se fait enlever par les hommes du Sultan Sakris, collectionneurs de raretés, pour être jetée dans son harem. À Messara, capitale impériale, la Matriarche, maître de l’Ordre des Chevaliers Dragons, comptent tout mettre en œuvre pour la délivrer. Mais l’Impératrice ne peut l’y aider, pour des raisons politiques, alors que se profile le spectre d’une guerre contre les Sardes. La Matriarche et l’Impératrice sont jeunes, elles sont sœur. Elles se sont juré de ne jamais se mentir, fait le serment d’œuvrer ensemble pour un but commun. Mais l’Ordre et l’Empire ne défendent pas toujours le même intérêt et les deux sœurs vont apprendre à se mentir pour servir au mieux leur organisation.
On le voit, Ange continue à développer la guerre contre les Sarde qui menace l’Empire et qui lui sert 6de fil rouge depuis le onzième album. Sa façon d’inscrire l’histoire d’une poignée d’individus dans une fresque qui les dépasse confère à la série son charme et une indéniable dimension épique. Après un quatorzième tome quelque peu décevant qui a laissé plus d’un lecteur sur sa faim, ce quinzième opus relance une série d’héroïc-fantasy de longue haleine qui met en scène des personnages féminins hauts en couleurs tout en tissant une fresque politique et historique à la fois intéressante crédible. Le Veill, ombre invisible qui s’étend autour d’un dragon et corrompt tout être vivant hormis les femmes vierges, est ici mis en scène de façon saisissante, l’espace d’une case, justifiant la lutte à mort opposant l’Ordre aux Dragons.
Si on omet Philippe Briones qui a signé deux tomes et Brice Cossu qui a participé au tome 14 après avoir mis en image le tome 13, chaque album est confié à un nouveau dessinateur souvent connu pour les mondes d’heroïc-fantasy auxquels il a donné vie avec un certain talent. Guinebaud , Paty , Sieurac, Démarez Meddour, Ruizgé, Guiton, Looky, Vax, Palma et Sentena se sont ainsi succédés pour composer les planches des albums de cette série dont les couleurs de Stéphane Paitreau assurent l’homogénéité de l’ensemble. C’est à présent au tour de Patrick Boutin-Gagné, « jeune » et talentueux dessinateur canadien, de signer les dessins de cette fresque avec un talent évident. Les lecteurs qui le suivent sur son blog pourront découvrir ses planches en noir et blanc qui démontre un sens certain de la composition des planches et un trait dynamique impressionnant de maîtrise. Il met son savoir-faire au service de ce quinzième opus des Chevaliers Dragons.
Ce quinzième opus se situe dans la moyenne haute d’une série prenante et captivante qui a le mérite de développer un background riche et foisonnant à travers des destins individuels qui sont autant de one-shot que l’on peut lire sans lien avec les autres, même si la richesse de la série apparaît dans la geste qu’ils esquissent de concert…
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