Difficile de ne pas trouver de nombreuses similitudes entre les enquêtes d’Adèle Blanc-Sec et celle d’Aglaëe. Leurs histoires se déroulent sur la même période historique, ont pour personnage principal une enquêtrice féminine travaillant sur des affaires se situant à la lisière du fantastique et s’inspirent toutes deux des romans feuilletons à sensation mettant en scène des personnages haut en couleurs. Pourtant, si les similitudes s’avèrent nombreuses, et le rapprochement inévitable, le récit concocté par Li-an s’inscrit plus dans la veine policière que dans la veine feuilletonesque chère à Tardi qui truffait ses récits de savants fous, de monstres préhistoriques improbables ou de grands méchants aussi inquiétants frôlant souvent le grotesque.

Après avoir résolu l’étrange affaire de l’Ange Aglaëe et les Maîtres de l’étrange pensaient en avoir fini avec le séduisant Docteur Flux et son grand gorille blanc. Pourtant, lorsqu’un grand singe blanc commence à terroriser le tout Paris, il semblerait bien que le magicien soit revenu sur sa promesse de disparaître… Le club de l’étrange reprend du service pour une passionnante enquête qui met en scène un étrange banquier mexicain Don Armando promettant aux notables rien de moins que la vie éternelle… Aglaëe bouscule une fois encore les convenances mais parviendra-t-elle à boucler cette nouvelle enquête avant que sa mère n’exige d’elle qu’elle rentre à la maison pour épouser son promis ?

Dans le sillage des romans de Leblanc, Li-An tisse une intrigue policière pleine d’humour et de malice qu’il teinte aussi de poésie. Sa ligne claire, sobre et élégante, rehaussée par les jolies couleurs de Laurence Croix servent élégamment ce récit. On sent une réelle tendresse pour ses personnages, à commencer par ces enquêteurs aux tempes grisonnantes qui composent les Club de l’Etrange et qui, sous la férule dynamique d’Aglaëe, se lanceront dans cette nouvelle enquête qui clos un diptyque plus que séduisant. Ce petit brin de femme qui rêve de vivre des aventures autrement que par procuration avant de se conformer aux dessins de sa mère, entraîne dans son sillage ces enquêteurs plus habitués jusque-là à mener leur enquête confortablement assis dans leur fauteuil plutôt que de se confronter à la réalité du terrain, avec les risque que cela comporte!

La Vengeance du grand singe blanc est un excellent album qui entrouvre une porte vers une suite que l’on espère longue, séduits que nous sommes par le talent de conteur de Li-an et l’élégance de son trait…