Un parfum de western plane sur ce dytique concocté par une poignée d’auteurs québécois. Si, bien que jeunes auteurs, Xavier Hardy et Fabien Dreuil n’en sont pas à leur coup d’essai, Simon Leclerc signe à ma connaissance son tout premier album. Dès les premières planches, on ne peut qu’être impressionné par son découpage nerveux et son trait acéré. Son encrage épais, rehaussé par les couleurs chaudes de Anouk Pérusse-Bel, ses personnages aux visages coupés à la serpe et son dessin semi-réaliste sont d’ores et déjà la marque d’un auteur accompli au style et à la personnalité déjà très affirmée…

Marvin est en instance de divorce. Plongé dans la boisson il en a oublié de vivre, comme s’il avait mis sa vie entre parenthèses pour oublier un trop douloureux passé. Alors que les images de sa télé défilent pour lui tenir compagnie, il reconnaît un visage sur les images d’un reportage tourné peu après un attentat Nevada City. Des souvenirs noyés sous des litres d’alcool refont alors surface. Cela s’impose comme une évidence : il doit se rendre à Nevada City pour y chercher la rédemption. Il prend la route, sans trop savoir ce qu’il va trouver au bout du chemin…

Le lecteur suit avec délectation cette histoire à mi chemin entre le polar et le western auquel il emprunte les poncifs en les tordant pour leur apporter une note de modernité (un homme solitaire débarquant dans une ville en proie à de vives qu’un riche propriétaire tient sous sa coupe, petite fille voyant en lui un sauveur possible qui pourrait bien l’arracher à sa morne existence, le passé qui refait surface, la tension qui va crescendo et l’affrontement final qui se dessine en filigrane). Il y a du Pale Rider et du pour quelques dollars de plus dans cet album-là. Les monologues incisifs de Marvin, les flash-back qui précisent peu à peu au lecteur les motivations de cet ancien béret vert, le rythme de l’intrigue et des dialogues percutants tirés au cordeau font de Nevada un western moderne captivant d’une grande maîtrise narrative et graphique.

Fabien Dreuil, Xavier Hardy et Simon Leclerc signe avec Nevada un premier tome particulièrement convainquant et enthousiasmant.