Avant même l’ouverture de la boîte, difficile de ne pas être séduit par l’élégance du trait de Mariano Iannelli qui a déjà travaillé sur Vasco da Gama, OddVille et Vinhos, avec le talent qu’on lui connaît. D’emblée, son illustration immerge les joueurs dans l’ambiance de la grande bataille finale qui va embraser le monde des hommes et des dieux, le Ragnarök. Une fois la boîte (regorgeant de matériel) ouverte, on peut apprécier l’ensemble de ses dessins qu’il colore judicieusement d’une touche humoristique. Car si le plateau est de toute beauté, il s’est amusé à représenter les dieux de façon cartoonesques, exagérant leur attitude pour les rendre au final très expressifs… Les représentations d’Asgard, du Walhalla et d’Yggdrasil, l’Arbre Monde, sont quant à elles, de toute beauté…
Les règles sont copieuses (12 pages, 14 si on compte la description des tuiles et des pouvoirs), denses et touffues. S’il faut parfois s’y reprendre à deux fois pour comprendre certaines subtilités des règles, les illustrations, annotations et exemples les rendent malgré leur complexité suffisamment limpide pour se lancer rapidement dans la première partie. L’idée commencer les règles par une présentation générale du jeu avant d’en approfondir chaque phase s’avère très didactique et facilite grandement la compréhension des rouages et des mécaniques du jeu, ce texte pouvant même servir de trame pour l’expliciter les règles à de nouveaux joueurs.
Si la mécanique du jeu est d’une relative fluidité, la première partie sera l‘occasion pour les joueurs d’en découvrir toutes les subtilités. Car, clairement, Asgard fait partie de ces jeux nécessitant plusieurs parties pour s’apprécier à sa juste valeur…
Du déroulement d’une partie
Si la première mise en place s’avère longue et fastidieuse, un joueur aguerri parviendra organiser rapidement l’élégant matériel pour entamer la partie au plus tôt. La double page schématisant étape par étape cette mise en place est une aide précieuse.
Le jeu se déroule en cinq tours de jeu composés chacun de quatre phases. A l’issue de ces cinq tours aura lieu le Ragnarök, la bataille finale.
Phase 1 : Choix des dieux : les joueurs choisissent autant de cartes dieux (parmi les 10 disponibles) qu’ils ont de disques d’Influence.
Phase 2 : Choix des actions : Dans l’ordre du tour, chaque joueur va révéler une de ses cartes et placer un jeton Influence sur un emplacement libre du dieu (Requête ou Temple) ou à Asgard. Quand tous les disques Influence ont été joués, la phase prend fin.
Phase 3 : Actions :Dans l’ordre du tour, les joueurs vont récupérer l’un de leur jeton influence posé précédemment et accomplir l’action associée (demander au dieu un Pouvoir ou une Pierre Runique, Construire un Temple, acquérir des disques Influence et récupérer des tuiles Sortilèges ou des Armes sur les mondes d’Yggdrasil). Quand tous les joueurs ont récupéré leurs disques, la phase prend fin.
Phase 4 : Batailles : Des batailles préfigurant au Ragnarök vont se dérouler dans chacun des mondes. Des Armes Ancestrales vont être brandies lors de batailles et chaque joueur engagé pourra envoyer des renforts pour influencer la bataille. Au début de cette phase, les temples construits rapporteront des points de victoire à ceux qui les ont érigés.
A l’issue des cinq tours, le Ragnarök a lieu… Les Points de Victoire engrangées lors des batailles précédentes sont scorés. Les joueurs vont influencer les batailles qui vont embraser chaque monde d’Yggdrasil. Les joueurs pourront jouer les tuiles Armes et Sortilèges pour influencer l’issue des combats et chaque dieu se verra soutenir par ses troupes. Les hommes brandiront à nouveau des armes anciennes dans cette ultime combat qui verra la fin d’un monde et se lever une aube nouvelle…
un jeu bien réglé
Asgard est un jeu très travaillé dont on sent qu’il a fait l’objet de nombreux tests d’ajustement. Sa mécanique s’avère parfaitement huilée. Chaque engrenage est à sa place et de subtils mais simplissimes mécanismes de régulation (celui de l’acquisition de nouveaux jetons Influence notamment) opèrent pour empêcher un joueur de prendre trop d’avance.
Malgré des règles fluides, le jeu s’adresse clairement à des joueurs vétérans, amateurs de belle mécanique et aimant faire travailler leurs neurones. Sous une thématique forte, superbement illustrée et plutôt bien rendue par les différents rouages du jeu, se cache un jeu de pose d’ouvrier dont la logique fait intrinsèquement penser à Caylus de par le timing et l’optimisation qui seront la clef de la victoire.
Les deux parties distinctes (les cinq tours puis le Ragnarök) font tout à la fois le charme et la complexité du jeu. Les joueurs ne devront pas perdre de vue les dieux qu’ils souhaitent aider lors du Ragnarök, pour augmenter leur influence et étoffer leurs armées. Néanmoins, les différentes façons de scorer (les victoires, les temples, le Ragnarök) confèrent à ce jeu une richesse stratégique appréciable. Le jeu se compose de plusieurs mécaniques éprouvées qui s’imbriquent parfaitement lui conférant toute sa saveur. Choix des dieux à influencer lors de la première phase mais surtout l’ordre dans lequel ils seront joués, puis celui dans lequel seront effectuées les actions, l’avantage donné au premier joueur, le timing exigeant sont autant de paramètres que les joueurs devront prendre en compte pour planifier leurs actions.
Asgard ravira sans aucun doute les amateurs de gros jeu de gestion pour qui le thème a son importance. La violence suggérée par l’illustration de la boîte s’estompant devant les graphismes lumineux du plateau de jeu, la thématique guerrière (qui pourrait en rebuter certains) passe judicieusement au second plan, bien qu’elle soit retranscrite dans les mécanismes du jeu. Un excellent jeu de l’auteur italien Pierluca Zizzi!
En résumé…

On aime...

les magnifiques illustrations

la fluidité des mécanismes

les choix cornéliens

la thématique bien rendue

pour amateurs de cube en bois (même s’ils sont déguisés en tuiles)

On n'aime pas...

la densité des règles