Le vent des cimes est une variation autour de l’histoire d’Henri Guillaumet, de son crash survenu lors de sa 92ième traversée des Andes à bord d’un Potez 25 et de son incroyable sauvetage. Il ne dut sa survie qu’à son courage et à celui d’un certain Antoine de Saint-Exupéry parti à sa recherche. Les auteurs se sont inspirés de son histoire pour tisser un épatant roman graphique.
A la veille de son mariage avec la délicieuse Rachel Wiezman, le moteur de Jack Rouault capote lors d’une tempête de neige alors qu’il survolait les Andes pour la 92ième fois… Pionnier de l’aéropostale, son ami et collègue (un certain Antoine) croit en sa survie et épaule sa fiancée, au risque de se faire licencier pour faute grave. Commence alors ce qui apparait être l’opération de la dernière chance pour retrouver le pilote, errant seul dans une montagne enneigée et battue par les vents.
On le voit, les analogies avec l(a) (més)aventure de Guillaumet sont nombreuses, à commencer par les circonstances et le lieu du crash, aux environs de la Laguna Diamante. A partir d’une base historique, Christian Perrissin a échafaudé un drame romantique de toute beauté. Lorsqu’il s’écrase à la veille de son mariage, Jack Rouault n’est mu que par la volonté farouche de survivre pour tenir sa promesse faite à Rachel de l’emmener en voyage de noces à Paris (Là où Guillaumet en était réduit à ce qu’on retrouve son corps pour que sa femme puisse toucher la prime d’assurance et être à l’abri du besoin).
La structure audacieuse du récit, alternant flash-backs et narration parallèle rondement menée, s’avère particulièrement fluide et efficace, tant dans la tension que dans le rythme qu’elle impulse au récit. Les flash-back permettent de préciser la relation qui unit Jacques et Rachel, précisant les circonstances de leurs rencontres et leur projet de mariage à travers des souvenirs en commun qu’ils partagent et auxquels ils accrochent leurs fol espoirs de se revoir. Le lecteur découvre la lutte pour la survie que livre Jack dans une montagne hostile balayée par une tempête de neige et les vents glacés alors que Rachel se sent totalement démunie face aux événements, d’autant plus dramatiques qu’elle porte leur enfant… Mais la belle est doté d’un courage et d’une volonté à toute épreuve. Plutôt que de subir les affres de l’attente, elle va prendre son destin en main, quelles qu’en soit les conséquences… Le récit est rondement mené avec une chute qui prend le lecteur à contrepied, offrant un final aussi poignant qu’inattendu… Difficile d’en dire plus sans gâcher ce réel plaisir de lecture…
Le dessin de Éric Buche, à a fois épuré élégant, confère à ce récit captivant une note poétique. Il parvient, à la pointe de ses pinceaux, à faire naître l’émotion et à préciser finement les différentes atmosphères de l’histoire. De la froide solitude du pilote perdu au sommet d’une montagne et confronté à des choix cornéliens à la triste solitude de la fiancée éplorée rongée par l’insupportable attente, sans oublier les souvenirs inondés de joie et de soleil qui apparaissent tels des îlots de bonheur…
La naissance de l’aéropostale qui sert de toile de fond au récit esquisse cette incroyable aventure humaine et technologique à laquelle furent liés des noms tel Mermoz et Guillaumet (qui ouvrirent la ligne des Ades) ou Saint-Exupéry, faisant naître chez le lecteur l’envie d’en savoir d’avantage sur ces pionniers… un petit dossier aurait en ce sens été le bienvenu, pour rappeler cette histoire qui sombre peu à peu dans l’oubli…
Le vent des cimes est un album fort bien construit plein de subtilité et d’émotions. L’objet en lui-même est par ailleurs magnifique, avec cette superbe couverture épurée et ce dessin élégant montrant les deux amants juste avant qu’il n’échange un tendre et fougueux baiser… Le Vent des Cimes est un roman graphique magistral, tout à la fois captivant et poignant, servi par un dessin tout en délicatesse… un coup de cœur, assurément…