Il y a de cela près de huit ans paraissait
Les fantômes de la culpabilité, premier tome des aventures de Simon Radius. Malgré l’originalité et l’inventivité graphique et scénaristique dont on fait preuve les deux auteurs, la série avait semble-t-il été sacrifiée sur l’autel de la rentabilité… Fort heureusement, les éditions Physalis se sont lancés dans l’aventure, publiant l’ensemble des aventures, prévue en trilogie, en un seul (et magnifique!) album… Car force est de reconnaître que tant dans sa forme que sur le fond, l’album est en tous points une réussite!
L’objet en lui-même déjà ne peut qu’attirer l’œil. Sa couverture, intrigante, creusée d’une pièce ne forme de puzzle, laisse entrevoir la page de garde qui montre Simon Radius, le psycho-investigateur, en train d’étudier le cas d’un de ses patients en explorant les différentes parties de sa psyché et de ses souvenirs.
Simon Radius exerce donc l’étrange métier de psycho-investigateur. Il peut, à l’aide d’une technique bien particulière, pénétrer presque physiquement dans l’inconscient de ses patients et tenter d’exhumer des souvenirs enfouis voir de les modifier! Ouvrant une à une les portes des souvenirs, il peut ainsi remonter aux origines des névroses ou schizophrénies dont peuvent souffrir les hommes et les femmes qui poussent la porte de son étrange cabinet dans l’espoir d’y trouver une solution à leurs problèmes. Mais les souvenirs sont parfois modifiés inconsciemment par les patients, obligeant Simon Radius à interpréter les scènes souvent tourmentées auxquelles il assiste…
Mais ses talents hors du commun font que la police a parfois recours à ses services pour résoudre des affaires alors insolubles… Mais si Simon Radius parvient à aider de nombreuses personnes, il a bien du mal à affronter ses propres démons. Après des journées très chargées, il expérimente son pouvoir sur lui-même, plongeant dans ses propres souvenirs pour essayer de comprendre pourquoi sa chère et tendre épouse a un jour disparu pour ne plus jamais revenir…
L’intrigue concoctée par Erwan Courbier et Benoit Dahan est tout à la fois audacieuse et extrêmement originale. Graphiquement, le scénario était sans nuls doutes un challenge incroyable pour un jeune dessinateur, fut-il très talentueux! Mais Benoit Dahan s’en sort à merveille, parvenant à créer une sorte de cartes des souvenirs et à les mettre en scène de façon très expressive, influencée par le propre inconscient du patient. Son travail graphique est à la fois inventif et saisissant. Lorsque la réalité et les souvenirs interfèrent, il fait preuve d’une réelle audace visuelle qui confère au récit une dimension unique. La construction de ses planches est elle aussi particulièrement percutante, entraînant le lecteur dans l’histoire et dans les souvenirs avec une aisance appréciable… Le travail sur les couleurs vaut lui aussi qu’on s’y attarde : les scènes de souvenirs sont teintées d’une teinte dominante qui souligne de façon subtile les sentiments, parfois violents, ressentis par les personnes dont Simon Radius explore l’inconscient. Rien ne semble donc avoir été laissé au hasard dans le travail graphique très structuré réalisé par Benoit Dahan.
L’histoire est elle aussi solidement charpentée. Avec leur concept novateur, les auteurs auraient pu se contenter de nous narrer les explorations intérieures menées par Simon Radius, enchaînant les enquêtes et les investigations du docteur dont l’apparence n’est pas sans évoquer celle d’un certain Sigmund Freud… Mais c’eut été mal les connaître! Sur leur concept, ils ont tissé une enquête introspective dense et intrigante qui constitue, bien plus qu’un fil rouge, la véritable ossature à l’intrigue. Sur fond de rivalité, amoureuse et professionnelle, ils ont créé un trame dense et intrigante pleine de surprises et de tragiques rebondissements…
Une question assaille d’ailleurs rapidement le lecteur : comment un album avec une telle pagination (138 pages, soit trois albums de 46 pages), une telle qualité d’édition (sans même parler d’un scénario et d’un dessin bougrement original) peut ne coûter que 17€90 ? Voilà un insondable mystère…
De par sa conception, sa construction scénaristique et son graphisme saisissant, Psycho-Investigateur est un album incontournable, original et inventif qui fait pénétrer le lecteur dans un univers très personnel particulièrement enthousiasmant… On ne peut que remercier les éditions Physalis d’avoir permis à ces deux auteurs de mettre en image la suite et la fin des aventures vertigineuses de Simon Radius, tout à la fois remarquablement bien écrites et si efficacement mises en scène…