Thomas Revanche et de retour et il n’est pas content… Après
Société Anonyme, premier tome plein de mordant, Nicolas Pothier et Jean-Christophe Chauzy remettent donc le couvert. Le jour, lunettes et cheveux gominés à la Clarck Kent, il travaille en costume cravate comme assistant de la présidente du MODEF, la plus grosse organisation syndicale de patron du pays. La nuit (mais aussi pendant ses vacances ou ses RTT), il s’emploie secrètement à redresser les torts, à poursuivre les patrons voyous faisant peu cas du droit du travail et de leurs employés. Il retourne la violence du système contre le système lui-même, rendant coup pour coup ce que la société fait subir aux petits et au sans grade… Le cynisme de la série, sa férocité et sa façon de mettre le doigt là où la société va mal fait immanquablement penser au
Louise-Michel de Gustave Kervern, ou encore au
Couperet de Costa-Gavras, ce qui n’est pas pour nous déplaire…
Dans ce nouvel opus et à travers six histoires courtes, Thomas Revanche va s’attaquer dans le désordre à un producteur véreux encaissant les subventions mais ne payant pas ses employés, un patron voyou qui déduit les charges de salaires des employés qu’il paye pourtant au black, un flic harceleur ou un fabriquant de prothèses mammaires peu scrupuleux. A chaque fois, Revanche va donner de sa personne… Mais comme on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs, il arrive parfois que le justicier commette quelque impairs et se trompe de cible. Immanquablement, sa croisade contre les dérives du capitalisme va attirer sur lui l’attention de la police et il aura fort à faire pour s’en tirer indemne… Ce second opus est aussi l’occasion de revenir aux sources de la colère de Thomas Revanche, une histoire ancienne où jeune journaliste, il était allé interviewer un patron soupçonné de vouloir délocaliser et restructurer son entreprise…
Deus es Machina qui clos l’album fait se rejoindre dans une histoire les fils éparses tissé dans chacune des histoires qui composent l’album…
Publié à l’origine dans l’Echo des Savanes, Revanche conserve au fil des histoires toute sa hargne et son mordant. Les thématiques inspirées de l’actualité ancrent ce récit décalé dans notre (triste) époque, pointant les travers de notre société avec une redoutable efficacité. L’ambiance mêlant celle des polars classiques à celle des super héros n’est pas sans évoquer celle du Spirit, personnage crée par Will Eisner dans les années 40. Sorte de Dexter Social, Thomas Revanche apparait comme une réponse possible, mais inquiétante, à la violence de l’ultralibéralisme. Car s’il s’acharne sur les patrons voyous et les escrocs de tous bords, il n’incarne pas la justice bien mais la revanche sourde et implacable des petits et des sans grades contre une société déshumanisée où le culte du profit outrancier a pris le pas sur l’humain… Les histoires courtes concoctées par ces deux auteurs engagés se mettent à hauteur d’homme pour dénoncer les dérives de notre époque, n’hésitant pas à emprunter aux discours des politiques ou des patrons pour mieux les dénoncer.
Le fond est tellement présent qu’il en fait presque oublier la forme. Pourtant, l’impeccable dessin de Jean-Christophe Chauzy porte avec une redoutable efficacité les histoires percutantes de son complice Nicolas Pothier. Il suffit de regarder la superbe illustration de couverture pour se convaincre du talent de ce dessinateur!
Si le regard porté par Pothier et Chauzy sur notre société est plein de noirceur et de cynisme, leurs histoires n’en restent pas moins caustiques et truffées d’humour. L’album apparait comme une claque salutaire, un pamphlet contre l’injustice sociale qui gangrène notre société et qui apparait comme un sombre terreau sur lequel prolifère l’extrême droite…
Revanche est un polar social engagé et grinçant particulièrement revigorant qui montre sans fard la violence que la société inflige aux individus les plus faibles et montre comment elle pourrait, fort logiquement, se retourner contre elle…