Ordures est le nouveau diptyque de Stéphane Piatzszek et Olivier Cinna qui ont déjà signé ensemble le saisissant
Fête des Morts. Ce récit met en scènes trois petites frappes décidés à vivre, tant bien que mal, en marge de la société qui ne fait rien pour les intégrer.
Moudy, un jeune black vit dans un foyer africain entassés à dix par piaules où en tant qu’homo il subit le regard désapprobateur des autres habitants. Il décide d’en partir et de s’installer au dernier étage d’une usine désaffectée qui sera démolie dans une petite semaine. Mais durant ces 7 jours, il sera tel un roi dans son palais de béton. Moudy bosse avec Alex dans un centre de tri d’ordures ménagères. Compagnons de galère, ils vivotent comme ils peuvent.
Leur route croise par hasard celle de Samir, vendeur à la sauvette de cigarettes de contrebandes et autres substances illicites entre Barbès et Pigalle. Il rêve d’obtenir des papiers pour s’extirper de la clandestinité, pas des vrais, ceux que vendent la « Préfecture de Barbès », fournisseur officiel des clandestins. Mais ses petits trafics ne suffisent pas à payer ces papiers et il tente de piquer leur blé à deux acheteurs d’herbe lors d’un deal… C’est ainsi que Samir va rencontrer Alex et Moudy et devenir leur compagnon de misère.
Mais leur situation déjà précaire va s’aggraver quand, au hasard d’une manif de sans-papiers, violemment réprimée par les forces de l’ordre, Moudy commet l’irréparable pour sauver Alex…
Le récit en noir et blanc de Stéphane Piatzszek et Olivier Cinna est porté par une narration impeccable et un dessin nerveux et incisif. Ses aplats de noirs renforcent posent l’atmosphère de l’histoire de façon saisissante, nous immergeant dans le quotidien de ces trois jeunes si différents, réunis dans une même misère… Racaille, petite frappe, vauriens, ordures… Des vocables que charrient trop souvent ces jeunes vivants en marge d’une société qui les rejettent mais qui apparaissent dans cet album dans toute leur humanité. On les voit rire, aimer, pleurer… On les voit vivre, tout simplement…
Le tour tragique que prends le récit à la fin de ce premier opus laisse augurer un avenir plus sombre encore pour Samir, Alex et Moudy que leur quotidien déjà bien chargé. On pense à
la raison du plus faible de Lucas Belvaux pour la façon de décrire sans misérabilisme la vie d’une poignée d’hommes réunis par la misère et qui n’en peuvent plus de ne faire que survivre…
Il faudra attendre le second tome pour voir vers quels sombres horizons va nous conduire cette histoire mais les bases posées par
Entrée Nord semble solide pour bâtir une histoire forte et bouleversante dont Stéphane Piatzszek a le secret.
Avec ce polar social, Stéphane Piatzszek et Olivier Cinna invite le lecteur à rencontrer les laissés pour compte, ceux qui grâce à des papiers ou un salaire décent pourraient laisser leurs petites combines, relever la tête et ne plus se contenter de survivre, mais pourraient vivre, tout simplement…