Il fallait oser plonger Sherlock Holmes, chantre du pragmatisme et du cartésianisme, dans un univers baigné de fantastique ou de science-fiction! Sylvain Cordurié et Vladimir Krstic (alias Laci) ont relevé le défi avec un iconoclaste brio dans cet élégant écrin qu’est l’envoûtante collection 1800.
Fort du succès des précédents opus, les deux compères remettent le couvert en confrontant le célèbre détective imaginé par Sir Arthur Conan Doyle à l’un des grands thèmes de la science-fiction, le voyage dans le temps…
Londres, janvier 1894. Le temps a passé depuis l’ultime confrontation entre Sherlock Holmes et James Moriarty. Eprouvé par ce douloureux affrontement, Holmes s’est retiré dans une modeste librairie au cœur de Londres et prend grand soin de Megan Connellly, plongée dans le coma depuis leur dernière enquête… Il semble s’être fait à cette vie paisible mais sa la reine Victoria elle-même vient troubler sa paisible retraite pour recourir à ses services : Aaron McBride, un savant à l‘esprit dérangé est de retour à Londres après vingt années d’absence et tout laisse à penser qu’il prépare un attentat dans la capitale de l’empire britannique. Son insatiable curiosité aiguisée, Sherlock Holmes va se lancer dans cette nouvelle enquête, sans savoir qu’elle changera à jamais sa vision du monde…
Une fois encore, Sylvain Cordurié signe un scénario captivant mêlant habilement divers genre littéraire dans son creuset scénaristique. De
La Machine à explorer le temps d’H.G. Wells à l’excellent
Voyageur imprudent de René Barjavel (et son fameux paradoxe !), le voyage dans le temps a de tous temps (

) été un thème majeure de la science-fiction, jusqu’à être considéré comme un genre à part entière. Confronter Sherlock Holmes à ce phénomène et faire de lui un voyageur temporel était une idée aussi ambitieuse que risquée… Mais le fait est que l’édifice holmésien construit par ce scénariste inventif est une délicieuse construction, étayée par le crossing-over qu’il tisse avec une autre série de la collection 1800,
La Mandragore. Le doute s’insinue peu à peu dans l’esprit du lecteur. Aaron McBride est-il réellement le savant perturbé que l’on décrit? Le scénariste joue à brouiller les cartes pour mieux perdre et ferrer le lecteur… Le cliffhanger fracassant qui clos l’album promet une suite haute en couleur et une enquête particulièrement dangereuse pour le détective…
Le trait réaliste de Laci est toujours d’excellente facture et ses visuels des ruelles de Londres sont de toute beauté. Le dessinateur yougoslave fait preuve d’audace et d’inventivité pour créer ces étranges artefacts, entre sciences et magie, notamment celle permettant à Aaron McBride de voyager dans le temps. Ses planches sont baignées d’une inquiétante lumière et portent superbement ce scénario iconoclaste et captivant.
Sylvain Cordurié et Laci continuent d’étoffer leur sherlockverse, fidèle trahison de l’œuvre de Sir Arthur Conan Doyle, et ce de façon plus que convaincante en s’emparant d’un des classiques de la SF pour créer un scénario original, captivant, tortueux à souhait et superbement mis en image par un Laci particulièrement inspiré… Que demander de plus sinon la suite et fin de ce diptyque accrocheur?