Le Ventre de la Hyène est un récit coup de poing qui immerge le lecteur dans l’effroyable quotidien des enfants soldats. L’album aurait pu être un documentaire, mais les auteurs ont décidé d’en faire une fiction pour donner un visage à l’horreur, à prendre ce personnage fictionnel dans un contexte volontairement flou pour pointer du doigt ces vies volées, ces enfances pulvérisées par une rafale de AK-47…
Le récit commence sur les chapeaux de roues sans qu’on prenne le temps d’en présenter le principal protagoniste. Un jeune black est seul, enfermé dans les chiottes d’une boite de nuit, bien décidé à trouver son chemin vers la liberté. Entre lui et ses rêves semble se trouver un homme. Et c’est un couteau à la main qu’il va le rencontrer… Après une première scène sanglante et violente, voilà qu’une page se tourne et qu’on se retrouve en Afrique à suivre deux enfants, l’un jeune et réservé, l’autre adolescent rebelle et malicieux… Peu à peu, par d’incessant aller-retour entre passé et présent, le lecteur va suivre les pérégrinations de Talino, devenu enfant soldat combattant de la liberté avant de devenir mercenaire sanguinaire puis d’intégrer un gang… Il va découvrir son rêve d’une autre vie, ce rêve d’Europe, havre de paix et d’espoir… Mais peu à peu une sourde évidence se fait dans son esprit : seul la mort de son frère, Anouar, qui lui a appris la haine et la mort en lui transmettant le feu qui brûle dans le ventre de la hyène pourra apaiser sa souffrance…
Clément Baloup et Christophe Alliel signent avec
le Ventre de la Hyène un récit tragiquement crédible qui trouve de sombres échos dans l’actualité récente… La structure narrative du récit est d’une redoutable efficacité, les scènes présentes et les flash-back s’alternant pour impulser à l’ensemble un rythme allant crescendo pour un final qui laissera le lecteur groggy par cet ultime uppercut… Sans fards, l’album cru et sans concession nous livre récit initiatique suffoquant dont on percevait l’issue tragique sans que l’on puisse s’attendre à un tel dénouement…
Le travail graphique de Christophe Alliel est remarquable. Dès la couverture, il happe le lecteur dans un univers sombre et froidement réaliste. Son découpage, efficace et dynamique, s’avère très nerveux et incisif et les scènes quasi oniriques évoquant la Hyène apporte une touche d’onirisme cauchemardesque appréciable…
Dans la veine du Johnny Mad Dog de Jean-Stéphane Sauvaire, Le Ventre de la Hyène est un album sombre et dérangeant qui ne laissera aucun lecteur indifférent. Les auteurs ne laissent aucune place au pathos et livrent avec ce one-shot une plongée dans l’horreur de ces enfants, à la fois victimes et bourreaux…
(*) by Raggasonic