Dans le sillage des commémorations du début de la Grande Guerre, on ne compte plus les albums se déroulant dans cette période ou le drame humain est propice à l’éclosion de récit denses et captivants…
Le Chant du Cygne est de ceux-là… Scénarise par Xavier Dorison et Emmanuel Herzet et superbement mis en image par Cédric Babouche, ce premier tome pose les bases d’un diptyque des plus prometteurs…
Déjà morts demain nous conte de l’histoire d’une poignée de combattants aguerris exaspérés par l’incompétence criminelle de leurs officiers qui les entraînent chaque jour un peu plus au bord de la tombe… Lorsque l’un des leurs leur remet la pétition de la côté 108, ils décident de déserter, pas pour fuir la rudesse des combats, mais pour se rendre à Paris et déposer cette pétition au parlement, pour que le peuple et les politiques sachent quel sort est réservé au poilu, dans la boue et le sang des tranchées… S’amorce alors une fol odyssée, une fuite éperdue en avant à l’issue plus qu’incertaine…
En passant dans les étals, la superbe couverture de Cédric Babouche attire d’emblée le regard. Réalisée à l’aquarelle, elle s’avère être de toute beauté. Dès lors, impossible de ne pas feuilleter
Déjà morts demain… Le trait de Cédric Babouche faisant le reste, impossible de ne pas se lancer dans la lecture de l’album… Son style, très dynamique mais chargé de poésie évoque le manga en général et le travail de Miyazaki en particulier. Il contraste de façon saisissante avec la noirceur de l‘époque, allégeant de façon subtile le propos du récit. Ses planches sont magistralement composées et ses personnages très expressifs laissent transparaître leurs émotions avec une redoutable efficacité et une réelle sincérité. On ne peut qu’être bluffé par le travail graphique réalisé par ce jeune auteur qui signe pourtant ici son tout premier album! (et quel album!)
Le scénario concocté par Xavier Dorison et Emmanuel Herzet est mené tambour battant. Il ne cherche pas à dénoncer l’imbécilité de la guerre ou la folie des hommes pas plus qu’il ne cherche à mettre en scène des soldats en rupture de bancs fuyant leurs soit disant devoir. Ils parlent d’une poignée d’homme prêt à en découdre à condition qu’ils soient menés par des officiers digne de leur rang! Chacun des personnages de ce groupe de déserteurs atypiques a fait l’objet d’un travail soigné, , tant graphiquement que psychologiquement. Le petit lieutenant est particulièrement bien pensé, empêtré qu’il est dans ses contradictions, son sens du devoir et le devoir envers ses hommes…
Difficile de ne pas être happé par le destin de cette poignée d’hommes dont le courage dépasse celui du soldat décérébré qui monte à l’assaut en beuglant « mort aux boches » sans se poser de questions… Pour retrouver un peu de leur fierté, pour donner un sens à leur quotidien, ils n’hésitent pas à risquer leur vie pour qu’éclate au grand jour la folie furieuse d’un général Nivelle et son entêtement destructeur… Ce diptyque porté superbes aquarelles de Cédric Babouche et publié dans la prestigieuse collection Signé est l’une des délicieuse surprise de la rentrée… Vivement la suite et fin de cette histoire pleine d’humanité!