En regardant trop distraitement la couverture, on pourrait penser qu’un
Homme de goût, on pourrait croire à un album parlant du vin et de la bonne chair… Mais à y regarder de plus près, un petit détail dans l’assiette laisse augurer une histoire bien plus gore et dérangeante… on y parle de chair, certes, mais de chair fraîche…
De nos jours… Jamie Colgate, ex-flic à la retraite, capture ce qu’elle pense être un dangereux criminel sans lui laisser la moindre chance… S’engage alors entre eux un duel verbal tendu plein de mordant au cours duquel l’ex-enquêtrice va dévoiler ce qu’elle sait de l’identité de son prisonnier… Elle semble persuadée qu’il est un tueur en série de la pire espèce qui sévit depuis des dizaines d’années, sans que le temps n’ait de prise sur lui…
Un homme de goût est un récit… savoureux… El Diablo s’est amusé à brosser le portrait d’un monstre sorti tout droit des contes de fée pour semer la mort et la terreur sur son passage, une créature immortelle aussi inquiétante que les vampires ou les loups garous mais qui n’avait pour l’heure pas vraiment quitté les livres de contes pour devenir le héros d’un conte moderne… Le récit solidement charpenté de ce premier opus corrige cet oubli littéraire pour un récit plutôt sombre et franchement malsain... Dans les premières pages, le lecteur peut légitimement douter de la santé mentale de Jamie Colgate lorsqu’elle expose sa première confrontation avec le tueur supposé et l’enquête à rebours qu’elle a mené sur lui… Mais, peu à peu, les certitudes du lecteur s’effritent devant les preuves et les évidences patiemment réunies par l’enquêtrice… Le récit prend alors une autre tournure, laissant présager une chute funeste…
Le diabolique El Diablo retrouve Cha, son comparse avec qui il avait signé le saisissant road-movie qu’est
Pizza Roadtrip paru il y a deux ans chez Ankama… Le travail graphique de Cha est en tout point remarquable. Il s’est amusé à changer de style à chaque période. Que ce soit les premières années d’inspectrice de Jamie Colgate avec un style évoquant les comics des années 70 et leurs couleurs criardes ou le style gravure de mode du Paris du XIXième, il revisite chaque époque avec une audace et efficacité. Côté design, pourquoi diable avoir abandonné les couvertures qui faisaient le charme de l’excellente collection
Hostile Holster? Qu’importe à dire vrai, tant l’album est excellent!
Le scénario concocté par El Diablo s’inscrit dans la veine du polar noir qui se teinte subtilement de fantastique au fil des pages, pour un final coup de poing… Comme Cha adopte différent style, El Diablo change le sien à chaque époque, pour des ambiances délicieusement oppressante… L’épisode se déroulant dans le Paris de la belle époque, très épistolaire, est un petit bijou de noirceur romantique… Le petit dossier figurant en fin d’album éclaire de façon fort sympathique la genèse de l’album…
Le duo de choc de Pizza Roadtrip se reforme pour une nouvelle série pleine de mordant… Mise en Bouche, dont les titre polysémique s’avère très savoureux, est l’amorce d’une série prometteuse très originale qui propose une vision moderne et dérangeante de la figure de l’ogre des contes de notre enfance… Un petit bijou à consommer sans modérations… en attendant la suite du menu!