Elric, empereur de Melniboné, fait partie de ces personnages de fiction qui ne laisse pas le lecteur indifférent. Né sous la plume de Michael Moorcock au début des années 60, il a été pour beaucoup la porte d’entrée dans l’héroïc-fantasy. Pour ma part, j’ai rencontré le Loup Blanc autour d’une table de jeu de rôle, ce n’est qu’après que j’ai découvert l’œuvre de l’écrivain britannique, son concept jubilatoire de Multivers et de Champion Eternel… Parmi ses différentes incarnations, l’empereur albinos, héros cruel et romantique, conserve une place à part… S’il avait déjà fait l’objet d’adaptation au neuvième art, aucune ne fut franchement convaincante, malgré les impressionnantes planches de Philippe Druillet… Avec un casting royal, cette adaptation s’annonçait des plus prometteuses. Et dès la couverture, on sentait qu’un formidable travail avait été réalisé, impression confirmée par des planches de toute beauté et un scénario formidablement bien découpé… C’était donc avec une impatience jubilatoire que nous attendions le second tome de la série, portant nom de Stomrbringer, dont l’évocation fait frémir de plaisir les lecteurs du
cycle d’Elric…
Yrkoon s’est enfui d’Imrryr, enlevant Cymoril, la promise de l’Empereur. Ce dernier met tout en œuvre pour la retrouver, invoquant d’anciennes alliances, rappelant d’antiques promesses… For de ces puissants mais inquiétants alliés, il apprend qu’Yrkoon a gagné les sinistres ruines de Dhoz Kham, au cœur des Jeunes Royaumes. Avec l’aide de Straasha, seigneur élémentaire, Elric part affronter son cousin à bord du mythique Navire des Terres et des Mers, construit par Straasha et son frère Grome…
On retrouve dans ce second tome tout ce qui faisait le charme et la force du premier : une évocation magistrale de la cruauté et de la décadence mais aussi du raffinement melnibonnéen… Le personnage de l’empereur albinos est superbement bien retranscrit en héros famélique contraint de se droguer pour pouvoir tenir debout et dont Stormbringer deviendra la béquille… On retrouve ce qui faisait la force et l’originalité de ce sombre héros construit en opposition au Conan de Robert E. Howard.
Le découpage est magistral, et le dessin est en parfaite osmose avec celui-ci. Tout contribue à immerger le lecteur dans l’univers tourmenté né de l’imagination fertile de Michael Moorcock. La mise en image d’Arioch est saisissante alors que le Navire des Terres et des Mers, fantasmé par les lecteurs des romans, n’a jamais connu une si belle évocation…
La scène de massacre se déroulant aux abords de Dhoz Kham restera sans nuls doutes dans les annales, au même titre que le combat dantesque opposant Yrkoon et Mournblade à Elric porteur de Stormbringer et la colère d’Arioch qui s’en suivi. Ce dieu du Chaos apparaît dans toute sa complexité et son ambivalence, annonçant ses liaisons houleuse avec l’Empereur de Melniboné…
Si la couverture est graphiquement somptueuse, le quatrième de couverture montrant la sombre silhouette de l’inquiétante Stormbringer possède toujours cette puissance indéniable évocatrice…
L’intrigue se resserre autour du personnage d’Elric, délaissant les arcs secondaires pour conserver l’ossature de la saga. La structure narrative de l’album, subtil équilibre entre histoire et contexte, est des plus convaincantes. Le lecteur ne croule pas sous un background trop chargé mais les lignes de force des personnages et des décors n’en reste pas moins fortement marquées. Un formidable travail de réécriture en somme a été effectué par le duo de scénariste…
L’univers de Dark-Fantasy de Michael Moorcock est magnifiquement retranscrit avec ce second opus qui introduit le personnage central de la série, l’Epée Noire qui confère son nom à ce second tome. Malgré le changement de dessinateur en cours d’album, le dessin est toujours magistral, rehaussé par un encrage et une colorisation de toute beauté, mettant superbement en scène la décadence et la cruauté élevé au rang d’art des melnibonnéens. Stormbringer est un petit chef-d’œuvre qui donne la furieuse envie de (re)lire l’œuvre originale…