Pour les francophones, le mythe du vampire est invariablement associé à Bram Stocker dont le Dracula a presque figé l’image du Vampire. Pourtant, les connaisseurs savent combien la nouvelle de Sheridan Le Fanu avait, un quart de siècles avant l’éminent écrivain irlandais, portait en elle les germes de Dracula… Il y eut certes avant lui les écrits Lord Byron, Johann Wolfgang von Goethe ou de John William Polidori, mais la nouvelle de Le Fanu, empreinte de romantisme, était très moderne pour son époque…

Le récit de Carmilla nous est conté par Laura, fille unique d’un gentilhomme anglais installée en Autriche, dans le land de Styrie, accueille sans méfiance la jeune et envoûtante Carmilla qui lui évoque pourtant un cauchemar ancien qui l’a profondément marquée. D’étranges événements se déroulent dans la campagne aux alentours du château et au cœur de ses murs ancestraux…

La remarquable traduction de Gaïd Girard conserve la veine littéraire du récit, lui conférant un charme évident et une poésie troublante. La mise en image de Isabella Mazzanti est tout juste parfaite. Son trait faussement naïf et résolument gothique confère à l’ensemble un charme capiteux tout à la fois troublant et dérangeant. La saphisme subtilement distillé par le texte trouve dans le dessin un écho discret mais néanmoins présent, accentuant le trouble occasionné par le texte et sa façon très stylisée de dessiner le sang confère à l’ensemble un sentiment de malaise qui s’accroît au fil des pages…

Le lecteur du XXIième siècle, rompu aux récits vampiriques, sait dès les premières pages qu’il a affaire à un Nosferatu, contrairement aux contemporains de Le Fanu qui découvrait presque cette fascinante et repoussante créature de la nuit. Le récit n’en reste pas moins délicieusement captivant et le dialogue entre le texte et les somptueuses illustrations rende la lecture de l’album particulièrement fascinante.

Porté par une traduction de haute tenue, une maquette élégante et somptueusement mise en image, cette version de Carmilla permettra aux plus jeunes lecteurs de découvrir cette troublante nouvelle de Sheridan Le Fanu et aux autres de la redécouvrir dans un élégant écrin… Les amateurs de vampirismes savoureront cet album aux charmes vénéneux qui devrait figurer en bonne place aux côté du Dracula de Stocker ou des Chroniques des Vampires d’Anne Rice…