Après Éric Liberge, Loo Hui Phang et Philippe Dupuy, Christian Durieux, Étienne Davodeau, Jean-Claude Carrière et Yslaire, Nicolas De Crécy et Marc-Antoine Mathieu, Jirô Taniguchi s’empare à son tour du plus grand musée du monde pour y situer une histoire étrange, à la lisière du rêve et de la réalité…
Un dessinateur japonais décide de faire une étape en solitaire à Paris avec l’idée de visiter les principaux musées de la capitale. Mais, pris par la fièvre, il est cloué au lit de sa chambre d’hôtel, isolé dans un pays étranger dont il ne connaît pas la langue… Alors que sa maladie lui laisse quelques moments de répits, il se rend au Louvre et se perd dans les allées noires de monde du palais de l’ancien palais royal… Perdu dans les brumes de sa fièvre, alors qu’il part à la découverte des œuvres marquantes qui y sont exposées, il va découvrir des facettes insoupçonnées du musée, à la lisière du rêve : il va faire la rencontre les Gardiens du musée comme d’autres viennent y rencontrer des œuvres majeures du patrimoine artistique… Et là, entre les antiquités et les œuvres d’art, il va être confronté à ses propres fantômes issus d’un passé douloureux…
Avec ses
Gardiens du Louvre, Jirô Taniguchi nous livre une histoire à la fois universelle et intimiste, une plongée dans l’art en compagnie de ses acteurs, ce fil d’Ariane qui relie les artistes à leurs prédécesseurs et les inscrit dans l’histoire de l’art, intimement liée à celle de l’humanité. Le récit, très symbolique, immerge un auteur dans une ville qu’il ne connaît que peu et dans une culture qui n’est originellement pas la sienne. Il porte sur ces peintres et artistes exposés au Louvre le regard émerveillé d’un artiste qui perçoit au-delà de l’œuvre la démarche du peintre ou du sculpteur. Il nous entraîne avec douceur dans une attitude contemplative et nous aide à percevoir des liens inextricables entre l’art japonais et l’art européen, qui se sont mutuellement enrichis… En faisant revivre l’évacuation des œuvres majeures du Louvre de septembre 1938, il attire aussi notre attention sur la fragilité d’une œuvre d’art lorsque souffle le vent tumultueux de l’Histoire et sur l’importance de préserver ces vestiges culturels, patrimoine de l’humanité…
A l’image du récit, le travail graphique de Jirô Taniguchi est plein de poésie. L’artiste japonais travaille pour la première fois lui-même (à notre connaissance) sur un album en couleurs directe et le résultat est saisissant. Les lecteurs familiarisés avec la bd européenne seront sans doute troublés par le sens de lecture, de droite à gauche, malaise accentué par le format inhabituel de l’album, qui est celui d’une BD européenne… Mais l’album en lui-même est le reflet de ce qu’est l’artiste en général, et Jirô Taniguchi en particulier : un pont entre deux cultures, la rencontre de deux univers qui s’enrichissent mutuellement…
Avec le Louvre comme terrain de jeu et comme espace de création, Jirô Taniguchi a su créer une œuvre à la fois personnelle et universelle qui entraîne le lecteur à la découverte de l’art né de la rencontre entre différentes cultures qui s’entremêlent de façon inextricable. Le récit onirique est complété par une histoire personnelle plus mélancolique mais néanmoins élégante et profondément touchante. Les Gardiens du Louvre est un excellent opus de cette série d’album coédités par Futuropolis et Louvre Edition…