L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, écrit il y a près de quatre siècles par Miguel de Cervantes, est considéré par beaucoup comme le premier roman moderne. Roman d’aventure et de chevalerie, il propose une critique en règle de l’idéal de chevalerie et de la noblesse espagnole ainsi qu’un regard acéré sur les clivages de la société de l’époque. Mais si le fier Hidalgo combattant les moulins à vent est ancré dans l’imaginaire collectif, qui connaît au final les aventures rocambolesques de ce chevalier errant, grand pourfendeur de l’injustice et défenseur des opprimés (fut-ce-ils imaginaires)?
L’histoire, écrite lors des nombreux séjours de Cervantes en prison, nous conte la vie d’Alonso Quichano, un vieil hidalgo tant féru de récit de chevalerie que son jugement va s’altérer au point de le décider à endosser la vieille armure de son aïeul pour faire renaître la chevalerie. Monté sur le fier Rossinante (un cheval aussi vieux et rachitique que son maître) et accompagné de son fidèle écuyer (un paysan naïf et crédule), il va partir affronter le vaste monde pour la gloire et l’amour de Dulcinée du Toboso (une simple paysanne prénommée Aldonza Lorenzo et que Don Quichotte voit comme une princesse)… De glorieuses (més)aventures (et ennuis) en perspectives…
Ayant découvert l’histoire du Chevalier à la Triste figure au travers de la formidable adaptation qu’en a fait Jacques Brel avant de m’intéresser au roman, c’est avec un vif intérêt que je me suis penché sur cette adaptation de Rob Davis, publiée il y a quelques années dans la langue de Shakespeare et que les éditions Warum ont eu la brillante idée de proposer dans celle de Molière… Une édition par ailleurs très élégante, avec un dos toilé et une couverture du plus bel effet…
Et force est de reconnaître que Rob Davis effectué un formidable travail très respectueux de l’œuvre originale tout en apportant au récit une appréciable note de modernité, certes quelque peu iconoclaste, mais particulièrement jubilatoire et néanmoins fidèle à l’esprit du roman… Ce faisant, il est parvenu à dépoussiérer le récit de Cervantes, lui redonnant cet humour caustique si caractéristique qui fait tout le charme et l’originalité du récit tout en respectant sa structure si particulière, jusqu’aux apartés de l’auteur que l’on retrouve dans le roman originel, preuve s’il en est de la modernité du texte!
Grace à son trait épuré, Rob Davis croque avec finesse le caractère des différents protagonistes, de Don Quichotte lui-même, doux illuminé rêvant d’aventures chevaleresques, en passant par le naïf Sancho Panza entraîné malgré lui dans les aventures imaginaires de son maître. Sa mise en scène est remarquable de drôlerie et d’efficacité et les contes qui s’intercalent dans le récit, qui sont autant d’histoires insérées dans le récit originel, sont mis en scène avec une rare concision et une économie de trait qui force le respect.
Ce premier tome de Don Quichotte est une formidable adaptation du premier volume du chef d’œuvre de Miguel de Cervantes. Fidèle à l’original mais adoptant un ton résolument moderne, Rob Davis signe là une œuvre drôle et brillante qui devrait faire date et donner envie aux lecteurs de se (re)pencher sur les romans de Cervantes…
(*) l’Homme de la Mancha, Jacques Brel.