Ce second album des Grands Peintres, publié en même temps que Goya et Va Eyck, nous propose un récit fictionnel se déroulant à l’époque où Henri de Toulouse-Lautrec, durant la période où il peint les panneaux destinés à décorer la baraque foraine de la Goulue, coqueluche de Montmartre.
Le XIXième siècle touche à sa fin mais la Belle Epoque bat son plein. Montmartre voit s’encanailler la bourgeoisie dans ses cabarets peuplé d’une faune interlopes, de voyous et de femmes légères. Vols, bagarres et descente de la police font partis de ce décor qu’affectionne Toulouse- Lautrec. Ses crayons habiles et ses pinceaux intimistes immortalisent les figures de l’époque… Mais en ce début d’année 1895, une sordide affaire secoue les nuits montmartroises alors que de jeunes filles de bonnes familles disparaissent mystérieusement… Apprenant que l’une d’entre elle est de sang royal anglais, la police va s’intéresser de très près à l’affaire… Les soupçons s’orientent rapidement vers Toulouse-Lautrec et son entourage alors qu’il peint les principaux protagonistes de l’enquête sur les panneaux destinés à recouvrir la baraque foraine de sa grande amie, Louise Weber, dit la Goulue, , alors au fait de sa gloire …
Cette œuvre fictionnelle prend sa source dans ces fameux panneaux. Avec audace et malice, Olivier Bleys, romancier et scénariste, a extirpé les personnages de ces peintures pour leur donner un rôle dans la pièce que Yomgui Dumont met en scène avec un talent évident. Sur fond de serial-Kidnapping, il tisse les fils d’une enquête policière se déroulant dans le Montmartre de la Belle Epoque, plaçant le peintre intimiste des lieux interlope du Montmartre de la fin du XIXème au centre de l’intrigue. L’occasion pour le lecteur de découvrir des personnages hauts en couleur dont les surnoms (la Goulue, Valentin le Désossé) sont à eux seuls tout des poèmes, en plus d’y croiser d’éminentes personnalités du monde des arts, pour notre plus grand plaisir… Leur Oscar Wilde, en exil à Paris suite à ses revers judiciaire outre-Manche, n’es plus que l’ombre de ce qu’il fut, même s’il conserve intacte son impertinence et son goût pour l’extravagance et la provocation…
Les auteurs parviennent à faire revivre une Belle Epoque particulièrement saisissante, oscillant entre faste et noirceur, et ce d’autant que le dessin plein de fraîcheur et de spontanéité de Yomgui Dumont, découvert dans le jubilatoire et décalé
Chambres Noires (déjà scénarisé par Olivier Beys!) s’avère en parfaite adéquation avec le propos de l’intrigue…
Le dossier qui clôture l’album est une fois encore tout à la fois concis et fort bien réalisé. Il complète le portrait de Toulouse-Lautrec que les auteurs ont brossé dans l’album de façon didactique et passionnante…
Ce second tome est une fois encore une réussite savoureuse. En (re)créant le contexte dans lequel Toulouse-Lautrec aurait peint ces fameux panneaux, Olivier Bleys a construit une intrigue haute en couleur, ludique, pleine d’humour et de charmes qui esquisse avec délice l’ambiance du Paris de la Belle époque tout en brossant un portrait plein de vie d’un peintre que beaucoup considéraient déjà comme l’âme de Montmartre. En parfaite osmose avec le trait spontané et plein de fraîcheur de Yomgui Dumont, ce second tome confirme tout le bien que l’on pensait de cette ambitieuse série qui mêle fiction et réalité de façon savoureuse pour faire ressortir la personnalité d’un artiste hors du commun, ici Henri de Toulouse-Lautrec, qui a profondément marqué l’histoire de l’Art et celle de Montmartre…