Début 2010 paraissait Les chiens du Weltraum, un récit rétro-futuriste sombre et poisseux porté par un dessin acéré à l’esthétisme parfaitement maîtrisé à l’unisson de l’histoire… Cinq ans après parait ce troisième tome qui conclut de façon percutante cette trilogie glaçante et sans concessions…

Köstler poursuit sa descente aux enfers dans un monde glauque promis à une guerre éternelle. Son conditionnement par la WelRaum s’écaille peu à peu, alors que des souvenirs douloureux liés à son enfance refont surface… Ecartelé entre son amour pour Julia et son sens de du devoir et de la servitude, l’heure du choix semble venu pour le sous homme devenu chien de guerre docile au service de maîtres qui le méprisent… Pendant ce temps, en coulisse, la fin des Skraeling s’organise sur fond de complots et de luttes d’influence…

Cet éveil du loup conclut de façon tragique et percutante cette trilogie intemporelle superbe et glaçante. Le scénario concocté par Thierry Lamy est poisseux à souhait. Il esquisse les contours d’un monde sombre et oppressant dominé par un régime totalitaire évoquant les plus sombres perversions du IIIeme Reich. Le gouvernement tyranique mène une guerre perpétuelle pour assoir sa domination sur le peuple. La propagande est poussée à son paroxysme et les dirigeants sont prêts à tout pour servir leurs noirs desseins. Mais la soif de pouvoir aiguise bien des appétits et de sombres complots s’ourdissent dans l’ombre pour devenir l’homme fort du régime… Alors que l’avenir des Skraeling semble scellé, Köstler est à la croisée des chemins. Va-t-il continuer à servir aveuglément la WelRaum où va-t-il trahir ses maîtres pour soutenir la cause de celle qui l’aime et qui a rejoint l’armée des ombres… Les dialogues incisifs s’avèrent très travaillés et les récitatifs permettent au lecteur de s’immerger dans la psychologie très travaillée de Köstler, conférant au récit toute sa force…

Si le scénario est parfaitement calibré et solidement charpenté, la force du récit vient de son dessin tout simplement somptueux. Hommage aussi appuyé que saisissant à l’œuvre Jin-Roh, la brigade des loups de Mamoru Oshii, il émane de ses planches une beauté ténébreuse glaçante. Le dessin de Damien Venzi, au diapason du scénario glauque intelligemment mené par Thierry Lamy, pose avec force et efficacité une atmosphère particulièrement oppressante, donnant corps et chair à ce récit d’anticipation sombre et désespéré. Au vu de son talent, on ne peut que regretter la décision du dessinateur de raccrocher les crayons…

A la confluence des genres et des influences, Skraeling est un récit d’anticipation superbement écrit et somptueusement mise en images. L’univers oppressant esquissé par les deux auteurs sert d’écrin à un récit où la violence, bien qu’omniprésente, n’est jamais gratuite. Destinée à un public avertit, cette trilogie s’avèrent incontournable pour les amateurs de récits d’anticipation sombres et de dessins léchés… Une perle noire du neuvième art…

(*):”War is peace, Freedom is Slavery, Ignorance is strength”, 1984 de George Orwell