Pierre Dubois, le célèbre elficologue délaisse un temps le fantastique pour signer un western crépusculaire poignant superbement mis en image par Dimitri Armand…

Le Marshal Sykes, surnommé Sentences Sykes pour sa propension à juger, condamner et exécuter les hors-la-loi, est une légende d’un ouest encore sauvage. Sa route va croiser celle de Jim, un jeune orphelin dont la mère va d’être violée et assassinée… Sykes, O’Malley, son compagnon d’armes, et Renard Gris, pisteur sioux, vont se lancer sur les traces de la bande des Clayton responsable de cet infâme forfait. Ils seront bientôt rejoints par Jim qui compte bien participer à la traque et venger la mort de sa mère…

Sykes ne voit pas d’un bon œil l’admiration que lui voue Jim. Lui-même hanté par un passé tourmenté, il sait ce que le jeune garçon trouvera au bout de sa vengeance… « A force de tuer des gens, on finit par se tuer soi-même… »

Avec Sykes la remarquable collection Signé s’enrichit d’un nouvel opus captivant. S’il se frotte pour la première fois au western, Pierre Dubois n’en maîtrise pas moins parfaitement ses codes.

Conteur hors pair, il tisse un scénario crépusculaire et violent qui empreinte à la tragédie, à la manière d’un Clint Eastwood dans son remarquable et saisissant Impitoyable. Jim, fasciné par Sykes, n’est pas sans évoquer le Joey de L'Homme des vallées perdues de George Stevens (adaptation de Shane du romancier Jack Schaefer), un western datant de 1953. Mais le récit de Pierre Dubois s’avère bien plus sombre et tourmenté, d’autant que si le passé de Shane, archétype du héros solitaire, reste dans le film inconnu, le scénariste donne à Sykes un passé qui le hante et justifie sa fuite en avant… Le lecteur suit le récit avec un réel plaisir, avec une boule dans le ventre lorsqu’il sent s’esquisser le final, funeste et tragique. On appréciera les dernières planches de l’album qui répondent aux premières, une façon magistrale de boucler le récit, comme si on enfonçait le dernier clou d’un cercueil…

Dimitri Armand signe un album somptueux. Il suffit de regarder la couverture pour se convaincre du talent du bonhomme : superbement réalisée, la couverture mate rehaussée d’un discret vernis sélectif du plus bel effet, pose d’emblée l’ambiance tout en introduisant les deux principaux protagonistes du récit. Les planches de l’album sont superbement composées, portés par des cadrages incisifs et percutants. Bien que réaliste, son trait parvient à retranscrire avec une justesse saisissante les émotions des personnages, soulignant avec finesse la psychologie de chacun et renforçant de ce fait l’immersion du lecteur dans ce western sombre et tourmenté. La mise en couleur, réalisée à quatre mains avec Sébastien Gérard, est elle aussi de haute tenue.
Dimitri Armand, qui signe le remarquable Bob Morane - Renaissance avec Luc Brunschwig et Aurélien Ducroudray, fait partie de ces jeunes dessinateurs talentueux et prometteurs qui n’ont pas fini de faire parler d’eux…

Porté par une galerie de personnages atypiques et haute en couleurs, le scénario parfaitement calibré de Pierre Dubois est somptueusement mis en page par un Dimitri Armand particulièrement inspiré. Ce western crépusculaire entraîne le lecteur dans une traque sanglante et sans concession pour un final superbe et dramatique. Futur classique, ce petit bijou du neuvième art comblera d’aise les amateurs de western.