



Si la série
l’Oeil de la Nuit peut se lire indépendamment de
la Brigade Chimérique, il prend toute sa dimension en tant que préquel de cette incontournable et jubilatoire série signé par le grand Serge Lehman et mis en image avec une redoutable efficacité par Guess… Ce présent tome développe une histoire autoconclusive qui s’inscrit comme de coutume dans la veine feuilletonesque qui fait tout le charme et tout le sel de cette série…
Après une première aventure rythmée qui marqua firent de Théo Sinclair l’Oeil de la Nuit, voilà que l’un des premiers super-héros se retrouve embarqué dans une rocambolesque et dangereuse aventure qui l’immergera dans les milieux occultistes de la ville des lumières.
Lorsque la jeune et troublante Hermine d’Albury, rencontrée fortuitement chez Sâr Dubnotal, psychagogue de son état, lui demande le trouver pour délivrer son cousin d’une possession démoniaque, Théo ne se doute pas qu’il va être confronté à une créature venant du fond des âges, le terrible Druide noir, prêtre de Cernunnos, exécuté par les romains après la conquête des Gaules… Ce dernier a pris possession du cousin suite à une expérience mêlant science et ésotérisme qui a mal tourné…

Grand connaisseur de SF et des récits feuilletonesque du début du siècle, Serge Lehman étoffe son univers uchronique délicieusement décalé avec un indéniable talent et un savoir-faire éprouvé. Ce prequel de la Brigade Chimérique mêle avec habilité histoire et ésotérisme, personnages historiques et héros fictionnels de la littérature du XIXème siècle, forgeant un mythe européen des super héros particulièrement enthousiasmant…
Solidement charpenté, le scénario de cet album est mené tambour battant, soutenu par un chapitrage qui accentue la dimension feuilletonesque de la série. L’intrigue, fluide et envoûtante, étend ses ramifications dans le Moyen-Orient, le Paris du début du siècle et le Lutèce antique. L’écriture nerveuse du scénariste confère à l’album et à la série une dimension littéraire savoureuse, accentuée par cette délicieuse mise en abîme qui fait de Théo Sinclair un héros roman de feuilleton tributaire de son biographe. Ajoutons à cela un humour impromptu et vous obtenez une des séries les plus jubilatoires, les plus inventives et les plus rafraîchissantes de ces dernières années…

Graphiquement, le dessin de Gess fait une fois de plus merveille. Evoquant le travail de Mignola, son trait n’en reste pas moins doté d’une forte personnalité et d’une virtuosité graphique saisissante. Ses décors foisonnant de détails immergent avec une redoutable efficacité le lecteur dans cette époque délicieusement ucrhonique alors que son sens du cadrage confère à ses planches un dynamisme très appréciable…
Truffé de références parfaitement digérées, superbement mis en image par Gess, l’univers superscientifique crée par Serge Lehman et Fabrice Colin se révèle d’une inépuisable richesse…
Le Druide noir referme un premier cycle en tous points passionnant qui, nous l’espérons, en appellera d’autres… Ces premières aventures du Nyctalope, héros né par Jean de la Hire en 1911, s’avèrent tout aussi passionnante à suivre que pouvait l’être la Brigade Chimérique, formidable uchronie scientifique et littéraire…