Chercheur en sciences cognitives et philosophie de l’art, naturaliste passionné d’ornithologie, Alessandro Pignocchi s’est lancé dans l’illustration et la BD en créant son blog, baptisé Puntish… A travers Anent - Nouvelles des Indiens jivaros, il nous parle de sa rencontre avec les Achuar, peuple jivaro vivant de part et d’autre de la frontière entre le Pérou et l’Equateur.

C’est adolescent qu’Alessandro Pignocchi s’est rendu pour la première fois en Amazonie. Il y était retourné plusieurs fois pour dessiner les oiseaux. Mais lorsqu’il lit l’étude de Philippe Descola, il prend la mesure de ce qu’il a manqué. C’est avec le désir rencontrer la communauté des Jivaros Achuar qu’il reprend le chemin de l’Equateur… Mais près de quarante ans ont passé et entre le séjour de l’Ethnologue à la fin des années 70 et aujourd’hui, il y a un monde… Un monde à redécouvrir…

Après un séjour de deux semaines, Alessandro rencontre Philippe Descola qui lui apprend que Wajari, le héros des Lances du Crépuscule est toujours en vie… Fort de cette nouvelle, Alessandro projette d’aller y tourner un film mais devant la difficulté à monter le projet, il décide de repartir, armé de ses seuls crayons et pinceaux pour rencontrer retourner aux sources des Lances du Crépuscule…

L’album nous raconte donc ces rencontres riches et enrichissantes qui nous parle tant de la rencontre de deux cultures que tout semble opposer que celle de l’évolution d’une culture en l’espace d’à peine quarante ans. Les Jivaros Achuar est un peuple animiste qui converse quotidiennement avec les plantes et les esprits grâce à des anents, des poèmes fredonnés ou récités mentalement. Ils ne cherchent pas à vivre avec la nature, ils semblent juste avoir conscience de faire partie d’un tout, d’être partie intégrante de cette nature. Pour eux, nature et culture sont inextricablement liées, l’une ne semblant pas envisageable sans l’autre pour les Achuar… Voilà qui n’est pas sans questionner notre rapport occidental très utilitaire à dame nature…

Les anents qui servent de fil rouge à l’album confèrent à l’ensemble une touche de poésie. Alors qu’ils occupaient une place privilégiées dans le livre de Philippe Descola, ils semblent être tombé en désuétude, oublié par les plus jeunes, comme si le lien qui les unissait au monde s’était peu à peu dilué en se confrontant à d’autres culture… Mais n’est pas mort qui à jamais dort…

Explorant divers styles graphiques, Alessandro Pignocchi nous entraîne dans ce voyage passionnant et dépaysant entrepris pour rencontrer un peuple fantasmé par le citadin occidental qu’il est…Un style léger et énergique lorsqu’il se met en scène lorsqu’il se met en scène avant que l’idée d’album ne se fasse jour… de magnifiques lavis lorsqu’il illustre certains passages des Lances du Crépuscule… et des pointes de couleurs qui apparaissent lorsqu’il retourne sur les terres où s’est déroulé l’étude de Philippe Descola, comme si Alessandro redécouvrait avec un œil nouveau cette région du monde et ses habitants, éclairés par les écrits de l’ethnologue…

Construit comme un carnet de voyage, Anent - Nouvelles des Indiens jivaros s’avère être un album captivant qui nous entraîne à la rencontre d’un peuple, de ces us et coutumes qui nous semblent si étranges car tellement éloignés de nos préoccupations quotidiennes d’occidental…

Avec tendresse et humour, Alessandro Pignocchi nous raconte ces voyages, émaillés de rencontres tout à la fois fortes, surprenantes, et désarmante d’authenticité et de simplicité… Un album rafraîchissant qui nous fait réfléchir sur notre rapport au monde et à la culture en nous invitant à penser le monde autrement…