Chantal Van den Heuvel et Joël Alessandra signent une biographie de Louise Brooks, l’une des premières Star hollywoodiennes qui refusa le diktat de la profession et fut rapidement blacklistée malgré sa renommée internationale et ses indéniables talents... Une femme de caractère, à la fois forte et fragile…

Berlin, octobre 1928. Louise Brooks met un terme à sa carrière hollywoodienne pour venir tourner avec Georg Wilhelm Pabst, le célèbre réalisateur expressionniste allemand pour y tourner le sulfureux Loulou…

Le scénario de Chantal Van den Heuvel (qui a signé récemment le touchant Flora et les étoiles filantes mis en image par Daphné Collignon) s’avère joliment charpenté. Construit à partir de flashbacks, elle compose par petite touche, à la manière d’une toile impressionniste, le portrait complexe et tourmentée d’une femme mystérieuse et scandaleuse dont la liberté de ton et la farouche indépendance lui ont attiré bien des inimités et attisé bien des jalousies… A la façon d’un puzzle donc chaque pièce éclaire les autres d’une lumière nouvelle, la scénariste assemble différent fragments de vie de Louise Brooks avec talent et délicatesse, faisant revivre les années folles avec force détails, remontant jusqu’à son enfance volée qui a planté les germes de sa propre fin…

Avec son récit solidement documenté, l’auteur cherche à cerner les raisons de la chute vertigineuse de cette femme cultivée aux milles et un talents qui la fit passer des splendeurs d’Hollywood à la misère de l’alcool et de l’oubli… Elle est l’actrice de son ascension et de sa chute, « le poignard de sa propre plaie », comme elle le dira elle-même…

Le scénario est porté par le dessin délicat de Joël Alessandra dont les aquarelles nous entraînent avec finesse et subtilité dans l’intimité de cette jeune femme qui paya chèrement le prix de sa farouche indépendance. Les teintes utilisées évoquent les films muets de l’époque, malgré l’usage, très subtil, de la couleur. Il peint une Louise tragique et lumineuse, qui impose une présence incroyable au fil des planches, semblable à celle qu’elle avait à l’écran.

Chantal Van den Heuvel et Joël Alessandra brossent un portrait saisissant de Louise Brooks, une femme libre et cultivée, féministe avant l’heure, en avance sur son temps, qui connut la plus grande des gloires et le plus sinistre des oublis, avant de renaître par sa plume…

Rares sont les gens connaissant ses films où son talent et son naturel saisissant tranchent avec ceux des actrices de l’âge d’or du cinéma muet… Mais pourtant tous connaissent sa silhouette androgyne, sa coupe de cheveux si caractéristique et son style de vie qui en ont fait l’égérie d’une folle époque…

Louise, le venin du scorpion est une biographie bouleversante et touchante qui rend hommage à une femme aux multiples talent qui a créé et détruit sa propre légende...