Créé par Balac (alias Yann) et Yslaire (alias Bernard Hislaire) en 1986, Sambre est sans contestations possibles LA série romantique par excellence. Pas le romantisme à l’eau de rose, mais celui de l’exaltation des sentiments au détriment de la raison, du déchaînement des passions, celui qui met des personnages de chair et de sang devant un destin implacable qui les dépasse… Yslaire, qui a pris seul les rênes de la série dès le troisième tome, amorce un troisième et ultime cycle avec un album sublime et tragique qui met en scène Bernard-Marie et Judith, jumeaux des amants tragiques que furent Bernard et Julie…

Juin 1857. Elevé à la Bastide par sa tante, Bernard-Marie, dernier de la lignée des Sambre, est hanté par de sinistres cauchemars et les fantômes de ses ancêtres. A Paris, Judith, sa jumelle, qui a grandi dans un orphelinat, est adoptée par une famille bourgeoise. Fascinée par les papillons, terrorisée par les ombres, elle montre un tempérament rebelle à toute forme d’autorité et semble attirée par une vie de bohème…

S’ils ont grandi en ignorant tout l’un de l’autre, on sait que le destin va les réunir, inéluctablement, alors que la malédiction des Sambre ressert déjà sur eux son étreinte mortelle…

Trente années après le premier tome, Yslaire amorce le dernier volet de cette saga familiale romantique sans nul autre pareil. Au travers le destin tragique de Julie et de ses enfants, l’auteur s’interroge sur la liberté individuelle et le déterminisme familial. Bernard-Marie et Judith grandissent dans l’ignorance l’un de l’autre et pourtant les liens invisibles qui les unissent semble vont se resserrer, les rapprocher, pour les conduire vers leur inéluctable fin.

Car on sait que tôt ou tard, les deux jumeaux de Bernard et Julie seront rattrapés et dévorés par la sinistre malédiction des Sambre. On ne sait pas encore comment ils se retrouveront mais le rêve agité de Bernard-Marie qui amorcent le triptyque semblent tragiquement prémonitoire. Et que dire de Julie Saintange qui de son exil Londonien, pour caresser le rêve d’échapper à son tragique destin? Elle aussi sera sans doute rattrapée par les fracas de la Guerres des Yeux qui viendra tôt ou tard frapper à son huis…

Depuis trente ans, Yslaire défriche de nouveaux territoires graphiques, explorant de nouvelles techniques. Utilisateur avant-gardiste des outils numériques, son style est en constante évolution, en perpétuel changement. C’est pourtant avec des techniques traditionnelles qu’il a abordé ce présent album, nous livrant des planches tout juste somptueuses. Son trait, sombre et élégant, fait la part belle aux sentiments qui s’expriment sans entraves, distillant un trouble malsain chez le lecteur, entraîné comme les personnages dans le tumulte des sentiments… Aucun des éléments constitutifs des dessins ne semble avoir été laissé au hasard. Costumes et décors entrent en résonnance avec les personnages et leur funeste destin, accentuant l’atmosphère tragiquement romantique du récit…

Yslaire poursuit son histoire d’amour tragique pour le mener à son inéluctable terme. Ne laissant à quiconque le soin de mettre en image le destin funeste de Julie et de ses deux enfants, il reprend sa plume et ses crayons pour tisser un récit sublime et saisissant dans lequel il nous fait montre de son talent de conteur et de dessinateur hors pair.

Avec Fleur de Bitume, il nous entraine dans la France du second Empire pour un dernier acte cruel et sanglant d’un récit amorcé il y a trente ans et dont il esquisse l’issue tragique dès les premières pages.