Hubert et Virginie Augustin nous entraînent dans la Londres élisabéthaine pour un roman graphique cruel et intimiste…
Lisbeth entre au service d’Édouard, un jeune noble aussi fortuné qu’irritant de suffisance qui prend un malin plaisir à choquer par sa vie dissolue et ses remarques cinglantes. Il pense trouver en Lisbeth une domestique docile et facilement impressionnable mais aucune de ses frasques ne semble la choquer, ni même la troubler. Pire, elle porte sur lui un regard de madone plein de compassion qui le trouble…
En dépit du poids des convenances qui corsettent la société victorienne, une étrange complicité va se nouer entre eux et, de servante, Lisbeth va devenir la confidente de son maître, provoquant bien malgré elle de gros tumulte dans sa maisonnée…
Après avoir exploré avec un talent saisissant l’univers des contes de fées cruels avec des récits tels que le magnifique
Beauté ou les sublimes
Ogres dieux , Hubert se fait le chroniqueur de la vie d’un dandy dépravé et d’une de ses servantes qui va, au grès de leurs échanges, devenir sa confidente.
Elle est la seule à ne pas le juger, à comprendre combien le jeune homme est malheureux, malgré les apparences, enfermé dans le carcan étouffant des convenances et des conventions qui semblent être le fondement même de cette société hypocrite et codifiée.
Dans sa perpétuelle recherches de plaisirs raffinés et pervers dont aucun ne soigne son mal-être, Édouard, jeune dandy dépravé, n’est pas sans évoquer le Dorian Gray d’Oscar Wilde… Le subtil équilibre de l’album repose sur la relation, très travaillée, entre Edouard et Lisbeth… Elle est son exact opposé : il est magnifique, elle est quelconque. Il est volubile, elle est avare de paroles. Il fait partie de la caste dominante, elle est sa domestique et dépend de son bon vouloir… Mais, au fil de l’album, le rapport de force va subtilement s’inverser, révélant les fragilités de l’un et la force intérieure de l’autre...
Le trait nerveux et épuré de Virginie Augustin dont le talent a explosé dès le premier album (Alim le Taneur, scénarisé par l’incroyable Wilfrid Lupano) est une petite merveille de finesse et de subtilité. Si son dessin élégant sert remarquablement bien les dialogues grinçants et finement ciselés concoctés par Hubert, elle parvient à rendre expressif les silences, contribuant à distiller l’ambiance si particulière de ce récit cruel et touchant…
Une telle histoire méritait un bel écrin et force est de reconnaître que cette présente édition est magnifique. La couverture tout d’abord, est superbement composée alors que le contre-plat et la garde volante, évoquant les livres anciens, s’avère subtilement troublante… L’album est complété par un dossier de près de trente pages venant préciser de façon didactique le contexte historique et sociétal du récit.
Monsieur Désire? est un roman graphique cruel et touchant qui esquisse le portrait saisissant d’une époque à travers la relation entre un jeune dandy cynique et dépravé et sa servante dévouée.
Porté par des dialogues grinçants et le dessin expressif et plein d’élégance de Virginie Augustin, le scénario Hubert évite subtilement les poncifs du genre pour tisser une histoire prenante et parfaitement maîtrisée…
C’est peu dire que cet album est l’un de nos gros coups de cœur de cette année 2016…