S’inspirant très librement de la vie de l’artiste espagnol César Manrique, Bruno Duhamel signe un roman graphique original et entraînant qui met en lumière les parts d’ombre et de lumière d’un artiste qui a voulu faire don son île natale une œuvre d’art…
Sur l’île volcanique qui l’a vu naître, l’artiste Cristóbal trouve la mort dans un accident de voiture. Son engagement politique et sa notoriété sont telles que la police est contrainte d’ouvrir une enquête pour éclaircir les circonstances de sa mort…
Dès son retour sur l’île, après une carrière qui lui valut une renommée internationale, Cristóbal eut tôt fait de se mettre à dos politiques corrompus et entrepreneurs locaux et étrangers…
L’inspecteur Claudio Ramirez est chargé par sa hiérarchie d’enquêter discrètement sur ce célèbre personnage dont la mort pourrait bien venir perturber les élections à venir…
L’audacieuse construction narrative du récit permet à l’auteur de dévoiler par petites touches les différentes facettes de la complexe personnalité d’un artiste… Son engagement total pour sauver son île natale des griffes des promoteurs, sa relation difficile au père, sa mégalomanie qui nourrit et alimente sa création mais le coupe peu à peu de tous ses proches, la confrontation fracassante de son utopie artistique à la réalité…
Mais ce récit captivant est aussi et surtout l’occasion pour l’auteur de s’interroger, et de pousser le lecteur à s’interroger, sur la place de l’artiste dans nos sociétés, sur le rôle qu’il a à y jouer, si tant soit est qu’il en ait encore un… L’artiste a-t-il besoin de la société pour exister où est-ce la société qui a besoin des créateurs pour la faire avancer, pour la modeler et donner corps à l’utopie.
Les différentes époques de la vie (et de la mort!) de l’auteur se mêlent et s’entremêlent, composant pièce par pièce le portrait complexe d’un auteur. Si l’histoire concoctée par Bruno Duhamel se lit avec un réel plaisir, portée par le fil rouge de l’enquête sur la mort de Cristóbal, force est de reconnaitre que graphiquement, l’auteur fait montre d’une grande maîtrise. Chacune des époques est visuellement clairement identifiable, par une utilisation particulièrement judicieuse de la couleur, rendant la lecture particulièrement fluide… On appréciera à sa juste valeur le formidable travail sur les regards qui retranscrivent avec justesse les états d’âme des différents personnages de cette histoire…
S’inspirant de la vie de César Manrique, Bruno Duhamel signe un roman graphique audacieux et parfaitement maîtrisée. Ses dialogues finement ciselés et son dessin généreux brosse le portrait en clair-obscur d’un artiste dans toute sa complexité, tour à tour mordant, inspiré, drôle et touchant mais aussi pathétique, colérique ou égoïste...
Le Retour est album aussi original et captivant qui ne devrait laisser personne indifférent…