



Après un premier tome enthousiasmant qui brossait le portrait d’une société ultra libérale particulièrement glaçante, Zidrou et Alexeï Kispredilov concluent leur dystopique diptyque de façon pour le moins percutante…
Dans l’épisode précédent : A quelque jour de la retraite, Rosko, flic privé de P.Pol s’apprête à descendre Per Svenson, tueur en série illuminée qui a froidement tué près de 90 personnes… Il parvient néanmoins à se maîtriser… Il le regrettera amèrement… Alors qu’il allait être exécuté (par douche d’acide comme l’a choisi le public), Per Svenson parvient à s’échapper et sa traque est suivie en direct par des millions de téléspectateurs hystériques…
Lucide, Rosko comprend très vite que l’évasion est une mise en scène destinée à faire gonfler l’audimat… Son ex-employeur a décidé de jouer avec le feu, qu’il règle lui-même le merdier dans lequel il s’est fourré… Mais c’est parfois en voulant éviter son destin qu’il vient nous percuter de plein fouet…
Hyper médiatisée et ultralibéralisée, la société esquissée par Zidrou dans cette série est-elle si différente de la notre? Elle lui ressemble hélas énormément… Il suffit de pousser les curseurs, d’appliquer la politique de certains élus désireux de liquider le service public, d’aborder des sujets encore plus limites dans des reality show

en laissant aux téléspectateur le pouvoir de choisir à grand renfort de pub et de placements produits et vous obtenez quelque chose qui ressemble tragiquement au monde de Rosko…
Si cette série d’anticipation esquisse les contours glaçant mais réaliste d’une société qui ne s’encombre ni de morale ni d’éthique, le scénario, digne des meilleurs série TV, s’avère indéniablement parfaitement maîtrisé. Restant longtemps en dehors de l’action avant d’y être plongé brutalement, Rosko est un héros atypique. Il porte un regard lucide et désabusé sur cette société et sur la megacorporation qui en tire les ficelles… Mais bien qu’il s’efforce de vivre en retrait d’un monde devenu fou, il va rapidement se retrouver au cœur du maelström et tenter, à sa façon, d’y mettre un terme…
Difficile de ne pas être séduit par le formidable travail graphique d’Alexeï Kispredilov qui signe une première série parfaitement maîtrisée. Son trait épuré s’avère redoutablement efficace pour mettre en images ce polar nerveux et rythmé signé Zidrou. D’inspiration cinématographique, ses cadrages énergiques dynamisent le récit de façon saisissante

alors que sa mise en couleur souligne subtilement l’ambiance de chaque scène.
Zidrou et Alexeï Kispredilov mettent un point final à ce récit d’anticipation sombre et inquiétant qui esquisse les dérives possibles, sinon probables, de nos sociétés contemporaines.
Avec ce second tome, les deux auteurs nous entraînent un peu plus loin dans l’horreur… Un jeu d’enfants qui dérape, une société très clivée qui vit aux rythmes de show télé amoraux, des politiques sous la coupe de médias sans éthiques, la sécurité assurée par une police privée à leur botte… Tels sont les ingrédients du scénario cynique, violent et incroyablement rythmé de Zidrou, le tout joliment mis en scène par le jeune et prometteur Alexeï Kispredilov…
Un polar d’anticipation social sombre et glaçant où la cupidité est poussée à son paroxysme…