S’il a fallu attendre huit années pour lire le huitième tome de
la Nef des Fous, nous faudra-t-il attendre neuf ans pour lire le suivant? La logique le voudrait… mais à Eauxfolles, de logique il n’y a point… fort heureusement!
On aurait pu penser qu’Eauxfolles allait vivre après les tumultes incongrues qui l’ont fortement ébranlé… Il n’en est rien!
Contraint par Baltimore, Bonvoisin se voit obligé de reprendre un service qu’il n’a en définitive jamais vraiment quitté vu que son supérieur et collègue avait gardé sa démissions sous les coude sans la transmettre à leur hiérarchie… Si le duo de policiers se doit de se reformer, ce n’est pas tant pour enquêter sur un trafic bougrement juteux de coloquintes géantes mais bien pour enquêter sur la disparition de la Reine Ophélie…
Car l’heure est grave! Au cours d’un épatant spectacle caritatif de magie donnée par le célèbre Hidinou en présence du Roi et de la Reine, la tendre épouse de Clément XVII, a mystérieusement disparu… Tout naturellement, le magicien, spécialiste es escamotages et disparitions en tous genres est pour l’heure le principal suspect…
Il y avait plusieurs années que nous n’avions pas embarqué dans la Nef des Fous, foulé les pavés d’Eauxfolles en compagnie de Bonvoisin et Baltimore ou suivit les tribulations de Clément XVIIeme du nom dans son somptueux palais quelque peu ébranlé par une inquiétante faille… Mais, étrangement, on se sent un peu comme chez nous dans cet univers baroque, poétique et surréaliste concocté par le talentueux Turf et ses pinceaux magiques…
Truffé d’inventions loufoques, le scénario de ce présent tomme est, comme on pouvait l’imaginer, joyeusement déjanté. Il se déroule en deux récits parallèles qui vont bien évidemment se télescoper… D’un côté on suit nos deux enquêteurs préférés qui mène une enquête sur un sujet grave dont on ignore tout… Bien évidemment, tout ne se passera pas exactement comme prévu d’autant que de terrifiants gallinacés vont leur donner quelques soucis… De l’autre côté on va suivre le royale couple d’Eaufolle alors que la Reine, fermement décidée à récolter des fonds pour réparer la faille décide d’organiser un gala de charité en persuadant son royal époux qu’il est à l’origine de cette formidable idée…
Le récit drôle, léger, loufoque, poétique et décalé est, comme de coutume, superbement mis en image par Turf. Ses planches fourmillent de détails et d’inventivité graphique délicieuse qui confèrent son identité à cet univers délicieusement baroque, des costumes bariolés aux architectures féériques, tout est un appel au rêve et à l’aventure… Et que dire de ses couleurs vives et lumineuses, sinon qu’elle s’avèrent une fois encore tout juste somptueuses? Décidemment, qu’il est bon de revenir à Eauxfolles!
Pour la huitième fois, c’est avec un plaisir jubilatoire intact que l’on s’embarque dans cette Nef des Fous, en compagnie d’une galerie de personnage joyeusement déjantés évoluant dans un univers baroque et poétique…
Pour notre plus grand plaisir, et pour sauver la Reine Ophélie, Baltimore et Bonvoisin, certes quelque peu forcé, reforment leur duo d’enquêteur de choc… l’album se referme sur un sinistre cliffhanger ( ) qui laisse augurer de douloureuses heures à nos deux policiers préférés…
Le moins que l’on puisse dire c’est que huit ans après le dernier tome, la magie opère toujours… Un album indispensable pour qui a su garder son âme d’enfant et intacte sa capacité d’émerveillement …
C’est vrai! Un déserteur involontaire! Mais un déserteur quand même!Baltimore