Normand Gregoire et Julie Rocheleau s’emparent du roman autobiographique de Claude Jasmin pour nous en livrer une formidable adaptation tout en subtilité…

Le combat fait rage dans une ville en ruine. Une faction d’alliés mène un courageux assaut contre les forces de l’Axe… Une grenade vole, les armes crachent leurs balles à une cadence infernale. Tit-Yves s’écroule, mortellement blessé…

Une bande de gosse joue à la guerre dans les ruelles d’un quartier populaire de Montréal… Soudain, une femme sort d’un immeuble en criant « la guerre est déclarée!»…

Alors que l’Europe s’embrase Claude et sa bande de copains jouent les 400 coups…

La Petite Patrie est un album envoûtant qui montre à hauteur d’enfant le bouleversement que va connaître un quartier populaire de Montréal à l’annonce de la guerre…

Avec finesse et sensibilité, l’auteur montre les lointains échos de cette guerre pour un gamin de huit ans qui n’en comprend pas tous les enjeux mais sent peu à peu l’ambiance s’alourdir, par petites touches, d’abord anodines... des bribes de conversations, un personnage en arrière-plan sur lequel la dessinatrice attire l’attention mais à côté duquel Claude passe sans rien remarquer, trop occupé qu’il est à jouer avec sa joyeuse bande de copains… Le prologue décrivant le tragique télescopage de la fiction et de la réalité est une petite merveille de construction graphique…

Sans en avoir l’air, le scénariste en profite pour égratigner gentiment la société québécoise de l’époque, de l’emprise de la religion à la bien-pensance conservatrice…

Comme à son habitude, Julie Rocheleau signe un album parfaitement maîtrisé. Son dessin faussement enfantin souligne à merveille l’innocence de l’enfance et sa capacité à glisser dans l’imaginaire avec une facilité déconcertante. La colorisation délicieusement désuète immerge le lecteur dans le Montréal des années 40 avec une redoutable efficacité alors que son trait pétillant de vie saisit avec une acuité saisissante les jeux pas si innocents de Claude et de sa bande…

Porté par le dessin époustouflant de Julie Rocheleau, Normand Gregoire adapte les souvenirs d’enfance du jeune Claude Jasmin et nous décrit la vie d’un quartier populaire de Montréal, vue à hauteur d’enfant, alors qu’outre atlantique, l’Europe s’embrase.

Mais si la guerre fait rage et causera bien des deuils et des malheurs, la vie continue… Du haut de ses huit ans, Claude passe son temps à jouer à la guerre, à faire des tours pendables aux marchands ambulants, à fêter Noël ou Halloween… et connaîtra ses premiers émois amoureux… Par petites touches, la guerre s’immisce dans son quotidien, ébranlant l’innocence de l’enfance sans jamais la briser…

La petite Patrie est un récit autobiographique rafraîchissant, à la fois grave et léger qui vous fait aborder aux rivages insouciants de l’enfance…

On va prendre deux paires de bobines de gomme rouge, de pipes de réglisse noire et deux boules de coconutt.Claude

(*) titre d’une (superbe) chanson de Renaud