Frank Giroud et Gilles Mezzomo referment avec brio leur polar historique se déroulant après la défaite de Waterloo de juin 1815.
Blessé à la tête à Waterloo, le capitaine des Hussards Maxime Danjou est à peine sorti de l’hôpital militaire du Val de Grâce après une longue convalescence qu’il est entraîné dans une rixe qui le laisse inconscient. Lorsqu’il se réveille dans un poste de police, il trouve à ses côté une femme prétendant être la sienne mais dont il n’a aucun souvenir… Il serait en fait Théodore Brunoy, colonel de l’Armée Impériale qu’un choc à la tête aurait rendu amnésique…
Troublé par un faisceau d’éléments concordants, il aménage avec sa prétendue compagne dans son supposé domicile… Mais doutant encore de sa véritable identité, il engage Octave Ledoux, un détective, pour enquêter sur son passé… Mathilde doit supporter ses sautes d’humeur mais fini, à force de persévérance, à lui faire partager sa couche… Leurs retrouvailles seront bien éphémères puisqu’au matin, la belle est retrouvée assassinée à coups de sabre, la chemise ensanglantée de son époux à ses côtés…
Jeté au cachot dans l’attente de son procès, Maxime / Théodore peine à se défendre, ne sachant s’il est victime d’un complot d’envergure ou si la folie lui a fait commettre l’irréparable… Lorsqu’une opportunité se présente à lui, il s’échappe et va s’efforcer de prouver son innocence tout en tentant de retrouver sa véritable identité…
Avec un art consommé de la narration et un indéniable sens du suspens, Frank Giroud poursuit son récit, jouant à brouiller les pistes et s’amusant à aiguiller son héros et le lecteur sur de fausses pistes…
L’amorce du récit n’était pas sans évoquer l’excellent
Retour de Martin Guerre de Daniel Vigne et on ne sait quel rôle trouble joue la belle Mathilde dans cette sombre histoire… D’autant qu’à l’issue du premier tome, son tragique destin semble l’innocenter… Pourtant la première scène de l’album prend le lecteur à contre-pied, révélant sans ambages que Mme Brunoy a bien été l’instigatrice des événements qui affectent le capitaine Danjou… Pourtant, l’affaire n’en n’est pas démêlée pour autant puisqu’on ignore encore tout de l’identité de l’assassin de Mathilde et les raisons qui l’on poussé à commettre ce crime sanglant…
Les différents éléments disséminés par le scénariste dans son album s’assemblent de façon d’autant plus saisissante que l’intrigue épouse les aléas de l’histoire et les nombreux changements de régime qu’a connu la France à cette époque troublée…
Rehaussé par les couleurs discrètes mais efficaces de Céline Labriet, le trait nerveux et réaliste de Gilles Mezzomo fait revivre l’époque avec force détails. Soignant décors et costumes, le dessinateur d’
Ethan Ringler ou du
Nouveau Monde compose un XIXe siècle particulièrement crédible… Ses planches consacrées à la bataille de Ligny, prélude à Waterloo, son impressionnantes et l’ensemble de l’album s’avère parfaitement maîtrisé…
Frank Giroud signe un polar historique captivant qui entraîne héros et lecteur sur bien des fausses pistes avant de faire éclater la vérité…
Son récit solidement charpenté est un petit bijou de construction où chaque pièce s’assemble de façon vertigineuse pour former un tout parfaitement cohérent… Le trait nerveux et réaliste de Gilles Mezzomo s’avère comme de coutume redoutablement efficace pour mettre en scène ce récit historique et faire revivre la France du XIXe siècle…
Le scénariste a laissé une porte entrouverte qui laisse aux auteurs la possibilité de remettre en selle le vétéran… Qui s’en plaindrait?
Je le sais! Les apparences sont contre moi. Mais le pire… C’est que je ne peux pas affirmer de façon incontestable que je suis innocent… Maxime Danjou / Théodore Brunoy
(*) en référence au chef d’œuvre de Daniel Vigne