Éric Corbeyran, Vanessa Postec et Luc Brahy nous font découvrir un monde insoupçonné où les enjeux économiques et sociétaux sont tels que l’idée même d’un commerce éthique peut paraître utopique…
Albane Laroche est une pointure dans son domaine : un « nez » qui n’en peut plus de végéter dans la grande entreprise de parfum luxueux qui l’a engagé pour son audace et son inventivité. Elle décide de plaquer un salaire confortable pour changer de branche et travailler pour Ethic Café avec pour mission de réaliser de nouveaux assemblages pour une clientèle exigeante…
Un nouveau monde va s’ouvrir à elle… Un monde dangereux où un patron ne va pas hésiter à renier ses engagements prétendument éthiques pour accroître les bénéfices de son entreprise… Mais quand il est question d’argent, les bons sentiments ne sont plus de rigueur…
La couverture signée Luc Brahy donne d’emblée le ton : au premier plan, une femme déguste un café qu’on imagine pleins de forces et d’arômes… En arrière plan, deux hommes se font face, pointant chacun un flingue sur l’autre… Quel est le prix à payer pour que l’on puisse déguster une tasse d’expresso?
Alors que le dérèglement climatique met en péril la production mondiale de café, que la demande a largement dépassé l’offre et que sa culture entraînant la déforestation se fait trop souvent au détriment des cultures vivrières permettant aux populations locales de se nourrir, l’appât du gain entraîne les pires des dérives…
Et si ces derniers temps se sont développés à grand renfort de marketing des cafés éthiques ou bio, c’est qu’il y a matière à faire de l’argent… Beaucoup d’argent… Mais comment pourrait-il en être autrement alors que le cours du café, produit pour l’essentiel par de petits producteurs, est fixé les cours de la bourse des marchés internationaux!
Le prolifique Éric Corbeyran associe sa plume à celle de Vanessa Postec, journaliste indépendante qui signe avec cet album son premier scénario de bande-dessinée… A quatre mains, ils empruntent aux codes du polar pour tisser un récit nerveux et entraînant où sont mis en lumière de nombreuses zones d’ombre entourant la production du café… Mais non content de dérouler un scénario captivant qui montre comment les pires crapules peuvent se cacher derrière des labels soi-disant éthiques, les deux auteurs font montre de didactisme, donnant de nombreuses informations sur la culture et la production du café… Le choix d’un personnage découvrant à l’instar du lecteur l’univers du café s’avère d’ailleurs très pertinent, permettant aux auteurs de distiller de nombreuses informations sur les variétés, la culture et la récolte de ces précieux grains… Un dossier clôturant l’album et complétant ces données aurait d’ailleurs été un plus très appréciable… Peut-être dans un prochain tome?
Côté dessin, le trait réaliste de Luc Brahy (
Imago Mundi,
Cognac,
Les Champs d’Azur,
les Fantômes du Passé – dont nous attendons le tome 2 avec impatience!) s’avère on ne peut plus efficace pour mettre en image ce récit nerveux et rondement mené… Cyril Saint-Blancat nous livre un travail de colorisation subtil qui soigne les différents ambiances de chacune des scènes…
Les esprits chagrins verront peut-être dans cette série une déclinaison marketing de précédentes séries du même scénariste (Cognac, Clos de Bourgogne, Châteaux Bordeaux…)… Mais il suffit de se lancer dans la lecture de ce premier opus pour comprendre qu’il s’avère être d’excellente facture…
Éric Corbeyran et Vanessa Postec signent à quatre mains un scénario nerveux et inventif qui, empruntant les codes du polar, nous immerge dans un monde au final méconnu: celui de la production de café… Cette denrée dont le coût est fixé par la bourse dont la production ne suffit plus à répondre à la demande suscite bien des appétits, faisant fi de la survie des petits producteurs qu’on n’hésitera pas à sacrifier sur l’autel du profit…
Colombie amorce une série captivante et rythmé dont il nous tarde de lire la suite…
Aujourd’hui encore on m’a refusé un projet jugé trop ambitieux… Ca fait cinq ans qu’on me joue la même partition… J’ajoute qu’il y a même un autre aspect du même problème…
- Lequel ?
- L’ego.Entretien d’embauche d’ Albane Laroche
(*) sur un air connu de Jerrold Immel