Avec
l'Incident, second tome de l'inénarrable
Black Hammer, Jeff Lemire et Dean Ormston poursuivent l'une des série de super-héros les plus originales et les plus jubilatoire du moment...
Les années ont passé depuis l’affrontement dantesque qui a causé leur exil. Les héros vieillissants de Spiral City ne sont plus que l’ombre d’eux même et ne se font toujours pas à leur nouvelle vie. Contraints de vivre à l’écart d’une petite bourgade américaine en apparence ordinaire, seul Abe semble se faire une raison et tenter de trouver un semblant d’équilibre…
Mais l’arrivée impromptue de Lucy Weber, la fille du célèbre Black Hammer va venir dynamiter leur microcosme et faire tomber les masques que certains portaient à l’insu de tous…
S’il y a pléthore de séries mettant en scène des supers-héros, il n’y en a au final que peux qui marqueront durablement les esprits et résisteront aux assauts du temps… Si les auteurs poursuivent sur leur lancée, Black Hammer devrait rejoindre le
Watchmen de Moore et Gibbons au panthéon des comics incontournables…
Car le talentueux scénariste qu’est Jeff Lemire signe là une série particulièrement enthousiasmante mettant en scène des héros tourmentés et vieillissants contraint de vivoter dans une bourgade rurale sans espoir de regagner leur dimension. Très rythmé, ce second tome s’avère tout aussi enthousiasmant et je défie quiconque de reposer l’album avant son terme…
L’élément perturbateur qu’est la propre fille de Black Hammer vient subtilement déséquilibrer le fragile édifice patiemment érigé par Abraham Slam, le seul peut-être à s’accommoder de sa nouvelle vie. L’enquête qu’elle va mener pour retrouver la trace de son père va mettre à jour les nombreux disfonctionnements de cette petite ville et servir de prétexte à bon nombre de flashbacks qui précisent avec finesse le passé de chacun des protagonistes… Au fil du récit, Jeff Lemire rend un hommage appuyé aux récits de supers-héros qui ont bercé sa jeunesse et dont il maîtrise les codes à la perfection…
Dean Ormston signe une partition graphique classique mais de haute tenue. Il semble prendre un plaisir saisissant à mettre en scène ces personnages à différentes époques, du temps de leur gloire en passant par leur quasi déchéance. Le style délicieusement désuet qu’il adopte pour mettre en image le combat titanesques de nos anciennes gloires contre
l’anti-dieu souligne avec efficacité le temps qui a passé alors que son découpage et ses cadrages précis et nerveux rendent l’intrigue particulièrement percutante et immersive…
Avec Black Hammer, Jeff Lemire rend un hommage appuyé à un genre qu’il apprécie et connaît sur le bout des doigts. En mettant en scène d’anciennes gloires vieillissantes, il s’amuse avec un plaisir jubilatoire à déconstruire le mythe du super héros, comme l’avaient fait Alan Moore et Dave Gibbons avec leur formidable et incontournable Watchmen…
Solidement charpenté et redoutablement bien écrit, le scénario de ce second opus s’avère plus captivant encore que celui du premier tome qui plaçait pourtant la barre haute. Le trait nerveux et expressif de Dean Ormston met en scène avec une redoutable efficacité ces personnages tragiquement humains dont les portraits s’affinent au fil des chapitres de façon saisissante…
Un pur chef d’œuvre à ne manquer sous aucun prétexte d’autant que l’album est complété par un cahier graphique magnifique!
- Ce putain de trou, le Paradis? Vraiment, Abe? L’Enfer plutôt.
- N’éxagérons rien… disons le purgatoire.
Extrait d’un dialogue entre Abe, Gail et Barbalien