La talentueuse Claire Fauvel se propose de nous conter la vie aventureuse de Phoolan Devi qui fut la Reine des Bandits avant d’être élue députée…
Phoolan Devi est née en 1963 dans le nord de l’Inde. Issue d’une basse caste, elle grandit dans une extrême pauvreté et elle et sa famille eurent à subir bien des privations et des humiliations…
Agée de onze ans, elle est mariée de force à un homme trois fois plus âgé qu’elle qui la fait travailler comme une exclave et la bat et la viole sans vergogne… Ses parents obtiennent l’annulation de son mariage mais pour tous, elle est alors une paria dénuée de droits… Las des brimades incessantes, elles s’enfuie de chez elle… Accusée d’un vol qu’elle n’a pas commis, elle va être emprisonnée, battue et violée plusieurs jours durant avant d’être libérée grâce à l’intervention d’un avocat.
Pour se débarrasser d’elle, son cousin la fait enlever par une de dacoïts, des bandits… Alors que le chef de la bande voulait en faire son esclave et la violer, Vikram, un des bandits, le tuer pour défendre un membre de sa Phoolan qui appartenait à la même caste que lui… Il lui apprends le métier des armes et il deviennent amants… Mais Vikram est tué par un rival… Montant sa propre bande de dacoïts et jurant de se venger de cette société patriarcale, elle deviendra la Reine des Voleurs, aidant les plus faibles et redistribuant une partie de son butin à la population…
La figure de Phoolan Devi avait déjà inspiré Pénélope dans le second volume de ses
Culottées. S’appuyant sur les mémoires dictée par Phoolan Devi elle-même, Claire Fauvel, récompensée du prix jeunesse d’Angoulême 2018 pour
sa Guerre de Catherine, se propose de lui consacrée un album à la pagination généreuse… Il n’en fallait pas moins pour raconter le destin hors du commun de cette femme…
Car la vie de Phoolan Devi est de celle dont on fait les romans. Elle grandit sur le terreau de la misère et de l’injustice. Elle finira par prendre les armes, pour se venger tout d’abord, mais aussi pour défendre sa liberté et celle des opprimés… avant de rejoindre le terrain politique et de finir assassinée… Elle dut affronter sa vie durant le poids écrasant des traditions et du patriarcat, ces clivages qui enfermaient les hommes, et plus encore les femmes, dans des castes, les poussant à accepter leur misérable condition.
Si l’album est aussi passionnant que bouleversant, c’est aussi parce que le dessin s’avère particulièrement envoûtant. Le trait subtil et élégant de Claire Fauvel donne à voir les émotions, parfois insoutenables, qui assaillent la jeune femme… Elle dessine avec grâce les rares moments insouciants mais sait mettre en scène la violence et la cruauté de façon saisissante… La dessinatrice fait ressortir toute la complexité de ce personnage meurtri et tourmenté qui vécu la vengeance comme une libération et n’édulcore pas ses zones d’ombre qui font d’elle une héroïne tragiquement et profondément humaine.
Difficile en outre de ne pas être conquis et impressionné par le soin apporté aux décors et à la façon très subtile qu’a l’artiste de sculpter la lumière et de travailler les ombres qui renforce l’impact et le ressenti de chaque scène…
Difficile de ne pas être conquis par ce nouvel album bouleversant de Claire Fauvel qui nous permet de mieux comprendre la formidable complexité de la société indienne à travers la révolte d’une femme qui forgea sa légende à travers son combat pour les droits des femmes…
En se basant sur Moi, Phoolan Devi, reine des bandits, la scénariste et dessinatrice tisse un récit captivant, bouleversant et révoltant qui nous conte le destin d’une femme hors du commun qui fut humiliée, violée et battue avant de prendre les armes pour partir en croisade contre les injustices et le patriarcat...
Phoolan Devi, Reine des Bandits est un album impressionnant de maîtrise qui confirme le talent de conteuse et de dessinatrice d’une auteure à suivre de très prêt…
Le code d’honneur des bandits, c’est à lui que je dois la vie. Mais je ne peux pas l’accepter totalement. Car je suis une femme. Ma révolte est différente. Les démons que je dois vaincre sont plus sournois. Ce sont les hommes, toutes castes confondues.Phoolan Devi