Pour les grands anciens des Sentiers de l'Imaginaire et malgré ses excellents romans, Fabrice Colin reste l'immortel auteur d'un des jeux de rôle les plus envoûtants auquel il nous a été donné de jouer: Nephilim... Le voir s'associer à la talentueuse Carole Maurel dont chaque nouvel album est un enchantement ne pouvait qu'attirer notre attention... Le moins que l’on puisse dire est que ce premier tome d'Eden répond à toutes nos attentes!

Depuis le tremblement de terre qui a balayé San Francisco, la ville, rebaptisée Phoenice, est divisée en deux zones séparées par un mur: les quadrants où vivent le bas peuple dans une misère noire, et le Coeur où vivent les élus formant l'élite de cette nouvelle société.

Vivant avec sa mère dépressive, Jonas, quatorze ans, ambitionne de passer le concours pour intégrer les élus... Mais il doute d'avoir les capacités de sa sœur aînée, travaillant chaque jour pour préparer l'épreuve dont il ne sait rien... Quelques jours avant le concours, sa sœur vient le trouver pour lui faire une proposition aussi surprenante qu'inattendue qui ébranle ses certitudes…

Fabrice Colin signe un récit dystopique particulièrement envoûtant se déroulant dans un monde profondément injuste qu’il saisit juste avant que l’étincelle de la révolte ne l’embrase…

Avec un art consommé de la narration, il nous immerge sans fioriture dans un univers aux contours encore évanescents qui se cristallise autour de personnages forts et attachants… Chacun d’entre eux occupe une place qui permet au scénariste de décrire avec finesse une société clivée par des inégalités, avec un peuple cantonné dans la misère et un pouvoir qui endoctrine les lauréats du concours pour mieux les asservir… Par petites touches, et sans donner au lecteur les clefs de Phoenice, le scénariste nous fait ressentir les prémisses d’une révolte que l’on espère voir venir…

Avec le talent qui est le sien, Carole Maurel signe un nouvel album graphiquement très réussi. Elle met une fois de plus en scène des personnages confondant d’humanité, leur regard trahissant avec force et subtilité les émotions qui les assaillent. Lorgnant avec brio du côté du septième art, ses cadrages et son découpage s’avèrent particulièrement fluide, proposant plusieurs planches très contemplatives qui apportent une salutaire respiration au récit.

Comme tout bon récit d’anticipation, Eden interoge le lecteur sur notre société où les inégalités sont plus criantes que jamais alors que l’enseignement ne remplit plus son rôle d’ascenseur social…

Sur une trame en apparence classique, Fabrice Colin tisse un récit enthousiasmant où le décorum n’est qu’esquissé pour laisser des personnages forts et attachants occuper de devant de la scène…
Dans ce monde dystopique mis en image par le trait épuré de la talentueuse Carole Maurel (En attendant Bojangles, Collaboration horizontale, Écumes…), la révolte gronde et il suffira d’une étincelle pour que la société s’embrase…

Un premier tome particulièrement enthousiasmant où la forme et le fond se rejoignent de façon saisissante…

La seconde insurrection. J’imagine que tu n’en as jamais entendu parler? Nous voulons tout changer, nous voulons changer la vie, nous voulons changer les gens ici et maintenant. J’aimerais que tu rejoigne notre cause…Hélix