S’il est une série incontournable pour les amateurs de polars, c’est indéniablement
Criminal, série crée par Ed Brubaker et Sean Phillips, tandem d’auteurs chevronnés à qui l’on doit notamment
Incognito,
Fatales ou
Fondu au Noir…
Contrainte et forcée, la jeune Ellie suit une cure de désintox dans une clinique pour gens friqués… Elle porte sur les autres patients un regard aiguisé, perçant leurs petits secrets et leurs mensonges… Il faut dire qu’elle na pas hésité à s’introduire nuitamment dans le bureau d’un des médecins pour consulter leurs dossiers !
Mais, fascinée par les junkies depuis la mort par overdose de sa mère, elle n’a pas l’attention d’arrêter la drogue… Pire, elle va entraîner avec elle un sympathique jeune homme qui suivait la même cure…
Commence alors un roadmovie où se mêleront sexe, drogue, rock & roll et… crimes…
Ed Brubaker et Sean Phillips font une nouvelle fois montre de leur formidable talent avec cet album délicieusement sombre… Point de braquages, de fusillades ou de règlement de compte sordides dans ce récit envoûtant qui captive le lecteur dès les premières pages… Mais un sentiment diffus de malaise, presque imperceptible dont les causes nous seront révélées en toute fin d’album…
L’histoire nous est contée par Ellie, jeune femme rebelle à toute forme d’autorité, qui en occupe le premier rôle… Ses récitatifs introspectifs brossent d’elle un portrait peu reluisant, annonçant, telle Cassandre, le drame qui va se jouer… Le scénario d’Ed Brubaker est comme de coutume implacable et remarquablement bien troussé, avec une montée en puissance savoureuse accompagnant le doute distillé par les propos de l’héroïne… Le tout menant à un twist final savoureux qui relie le récit avec la série mère… Un petit bijou de construction porté par des personnage profondément et tragiquement humains…
Fidèle à lui-même, Sean Phillips signe des planches superbement composées qui lorgnent clairement du côté du septième art… Il parvient avec subtilité et élégance à capter l’émotion avec une rare justesse alors que les couleurs pastels de son fils, Jacob Phillips, confère à l’ensemble une atmosphère empreinte de mélancolie teintée d’amertume…
Mes héros ont toujours été des junkies se lit comme une délicieuse et tragique nouvelles, prélude à la parution tant attendue d’un nouvel opus de Criminal, polar sombre et tragique signé par deux auteurs talentueux …
Solidement charpenté, le scénario d’Ed Brubaker s’avère une fois encore d’une précision diabolique, révélant sa force et sa subtilité dans les toutes dernières pages… Le twist final éclaire les propos de la jeune héroïne et narratrice d’une lumière sombrement désespérée… Rehaussé par les couleurs évanescentes de Jacob Phillips, le trait délicat de Sean Phillips met en scène des personnages froidement crédibles dont il parvient avec finesse à retranscrire les émotions tout en baignant le récit dans une obscure et glaçante mélancolie…
Rien de ce qu’ils ont fait après avoir décroché ne tient la comparaison. Comme si l’héro et les amphètes et les médocs leur avaient ouvert la porte sur une part d’eux-mêmes qu’ils n’ont jamais plus retrouvée…Ellie