François Chapot, authentique breton se revendiquant héritier d’une glorieuse lignée de Terre-Neuvas, supporte si peu la famille de sa belle fille qu’il n’a pu s’empêcher de faire un esclandre, et même d’en venir aux mains, le jour du baptême de Pèir, son petit-fils…

C’est pourtant vers lui que les parents de Pèir se tournent dix-sept ans plus tars lorsque leur fils décide de dilapider ses économies pour financer des vacances à mobylette… Mais loin de tenter de l’en dissuader, le vieil homme décide de l’accompagner, ressortant pour l’occasion son antique AV88… Ça tombe bien, l’adolescent avait décidé de suivre l’itinéraire du carnet dans lequel son grand-père avait consigné son tour de Bretagne alors qu’il avait son âge…

Mais la région a bien changé depuis la folle épopée du grand-père après mai 1968… La petite route bucolique aux abords du Croisic a été remplacée par une nationale et le champ où il avait jadis du campé du côté des dolmen de Douarnez par un parking bétonné…

Au fil des étapes de leur périple, il apparait que François a quelque peu travesti la réalité… Certaines pages disparaissent mystérieusement du carnet comme s’il voulait laisser enfoui certains souvenirs douloureux…

Philippe Charlot et Stéphane Heurteau signent un récit intimiste particulièrement poignant qui met en scène avec tendresse et justesse la complicité entre un grand-père et son petit-fils…

Ces deux personnages suffisent à construire un récit riche et touchant qui ne devrait laisser aucun lecteur indifférent… Premier à entrer en scène, c’est tout d’abord le grand père, truculent, bougon et fort en gueule, qui capte toute la lumière. Les talents de dialoguiste du scénariste permettent au personnage de prendre toute son ampleur et de faire de lui, pour un temps du moins, le moteur de l’action… Puis, au fil des pages, alors que ses petits arrangements avec la vérité se font jour, Pèir s’affirme et lui vole la vedette… Remarquablement bien écrite, la scène du repas familial l’album s’avère particulièrement émouvante, clôturant l’album de la plus belle des façons

Le dessin de Stéphane Heurteau est comme de coutume d’une rare justesse… Cet auteur parvient avec une apparente et désarmante simplicité à capter et à retranscrire les émotions des différents protagonistes… Ses paysages bretons sont à eux seuls une invitation au voyage et ses visuels de la tempête ou de l’Ankou s’avère être délicieusement inquiétants… Joliment composée, la couverture de l’album montrant le grand-père et son petit-fils sur leurs montures s’avère quant à elle magnifique…

A la lecture de l’album, la rencontre entre Philippe Charlot et Stéphane Heurteau apparaît comme une évidence tant leurs univers semblent complémentaires…

Plein de pudeur, de tendresse et de retenue, Phare Ouest décrit avec justesse et sensibilité la complicité entre un grand-père et son petit-fils partis pour refaire, cinquante ans après, le tour de Bretagne effectué en mobylette par le fringant jeune homme qu’il était alors. Tous deux ignoraient combien ce voyage, en faisant ressurgir des secrets enfouis, allait bouleverser leur vie…

Oscillant entre road-trip et récit initiatique, cet album drôle et rafraîchissant devrait toucher plus d’un lecteur…

Laisse tomber les landes, j’ai mieux que ça ! Regarde ce que j’ai emmené… Le carnet de bord de ton tour de Bretagne en mobylette ! Tu te souviens, tu me l’as offert pour mon anniversaire ! C’est incroyable de penser que tu avais mon âge quand tu l’as écrit… Découvrir la Bretagne avec toi, ça va être génial !Pèir