Avec ce recueil de nouvelles graphiques, José Carlos Fernandes et Roberto Gomes nous invitent à une longue marche autour de la mer d’Aral, gigantesque lac d’eau salé d’Asie centrale qui s’assèche et disparait, inexorablement…
Ce qui est impressionne d’emblée, c’est le dessin somptueux de Roberto Gomes, dessinateur brésilien jusqu’alors inconnu sous nos latitudes et qui fait montre d’un style très personnel qui change sensiblement en fonction des nouvelles et qui confère aux courts récits de José Carlos Fernandes une dimension mélancolique et poétique… la colorisation atypique et les cadrages inventifs impulsent un rythme très particulier à la lecture… La couverture est quant à elle de celle qui attirent d’emblée le regard et donnent envie au chaland de se plonger sans tarder dans la lecture de l’album.
Dans
Mer d’Aral, les auteurs imaginent comment les poissons de la Mer d’Aral s’adapte à la disparition de leur habitat et sont, pour survivre, contraints aux pires extrémités… Il y a dans cet étrange récit de délicieux et dérangeants accents lovecraftiens à même de séduire les amateurs du maître de Providence…
Un bœuf sur le toit est un récit surréaliste narrant les tracas d’un homme sur la maison de qui s’est installé un bœuf dont les autorités se soucient bien peu… Le dessin acéré et épuré de l’artiste s’avère être d’une rare élégance et confère à l’ensemble une dimension délicieusement onirique…
Habiller les morts est la confession d’un fantôme sur sa vie post-mortem et sur l’importance cruciale de parer les défunts de leurs plus beaux atours pour passer leur éternité… Doté d’un humour pince-sans-rire, le récit s’avère des plus étranges…
L’inauguration du canal du Panama est un récit court mais terriblement poignant d’une femme qui vit dans l’attente du retour de Monsieur Lezept qui l’avait séduite en lui faisant de belles promesses qu’elle eut la naïveté de croire… Le temps a passé et ne subsiste que l’absence…
Dans
l’art oublié de la nage à contrecourant, dernier récit de l’album, un vieil homme à la peau parcheminée nous parle de son métier d’éleveur de poisson… Il nous fait la visite guidée de son école, désormais désaffectée, où il apprenait jadis aux saumons ce qu’ils devaient savoir pour remonter le courant d’un fleuve qui jadis se jetait dans la mer d’Aral..
Explorant différentes approches graphiques, Roberto Gomes fait montre de son talent en mettant en scène les cinq courts récits concoctés par José Carlos Fernandes à qui l’ont doit le jubilatoire plus mauvais groupe du monde paru chez Cambourakis.
Oscillant entre le récit post-apocalyptique, le surréalisme, le fantastique et le romantisme, chacun des cinq récits esquisse les contours d’un petit univers doté d’une atmosphère propre magistralement retranscrite tant par le magnifique dessin de Gomes que par les textes ciselés de Fernandes…
Si Mer d’Aral est indéniablement un album atypique, sa lecture s’avère particulièrement envoûtante et dépaysante… Alors n’hésitez pas : laissez-vous surprendre…
Des histoires à dormir debout, selon moi.le narrateur