A travers quatorze courts récits, Christophe Tardieux, alias Remedium, nous brosse un portrait saisissant de l’Education National et du quotidien d’un enseignant de primaire dont la situation et la considération n’a fait que se déliter au fil des années et des gouvernements qui se sont succédés.
Certains des
Cas d’école dont il fait mention, les plus tragiques, ont fait la une des journaux et défrayé la chronique, obligeant le ministre de l’Education Nationale à s’exprimer, presque contraint et forcé et souvent maladroitement… Profitant souvent de l’occasion pour amorcer une réforme dont personne ne veut dans le corps enseignant, telle la modification du statut de directeur relancé après le tragique suicide de Christine Renon...
Mais bon nombre d’entre eux sont inconnus du grand public et dénotent de la difficulté croissante d’être enseignant de nos jours, alors que leur pouvoir d’achat s’effrite, que leur statut est attaqué de toute part, que certains parents et la société en général n’ont plus que peu respect pour leur fonction et qu’on leur demande de faire plus avec moins de moyens humains… Il n’y a que lors de drames indicibles tel que celui de Samuel Patty, mort d’avoir fait son métier, que l’on peut se bercer de l’illusion et s’imaginer que les enseignants jouissent de la considération qui leur est du… Mais, le drame passé, que reste-t-il des beaux discours ?
Chacun de ces courts récits s’avère bouleversant alors que l’on voit des enseignants compétents et passionnés littéralement brisés par le manque de soutient de leurs collègues ou de leur hiérarchie, par trop inhumaine. La façon dont l’auteur représente chacun des inspecteurs, sourds à la souffrance et à la détresse des enseignants travaillant sous leur autorité, est symptomatique : dénué de visage et dénués d’émotions, se contentant de ne rien faire ou, pire, de les enfoncer…
Difficile en pareils cas, que l’on soit enseignant débutant ou chevronné, de tenir le coup et de ne pas sombrer, quand on se sent si désespérément seul pour affronter la tempête…
Chacun de ces récits, mis en image avec un trait sobre et épuré et un découpage en gaufrier froidement clinique, dépeint une réalité poignante et révoltante. Mais, c’est mis bout à bout qu’ils donnent la nausée et poussent le lecteur à s’interroger sur un état qui abandonne ses enseignant à leur triste sort, avec une logique de rendement, froidement bureaucratique, et le désir de ne pas faire de vague, d’étouffer les problèmes dans l’œuf sans jamais chercher à les résoudre ou empêcher qu’ils ne se reproduisent…
Pour l’auteur, si les gouvernements qui se sont succédés ces dernières années portent leur part de responsabilité, c’est le ministre actuel, Jean-Michel Blanquer qui est clairement dans sa ligne de mire. Le chapitre qui lui est consacré (le seul à ne pas traiter du cas d’un enseignant avec celui, révoltant, de cette mère d’élève accompagnant une sortie scolaire et qui a été la cible d’attaques abjectes dans l’enceinte d’un Conseil général) est un véritable réquisitoire contre ce dernier, mettant en exergue son arrivisme, la façon désastreuse dont il gère son ministère et les fonctionnaires dont il a la charge…
Cas d’école est un album révoltant et édifiant à plus d’un titre… Il brosse le portrait tragique de l’Ecole, pilier sur laquelle notre République devrait reposer et dont les fondements sont sapés par ceux-là même qui devrait lui donner les moyens d’accomplir sa fonction.
Au fil de quatorze récits aussi révoltants qu’édifiants, Remedium nous raconte le quotidien d’enseignants qui, confrontés à la rumeur, à des parents ou des collègues malveillants ou à des drames humains bouleversants, se sont retrouvés seuls, abandonnés en pleine tempête par leur hiérarchie.
Difficile de ne pas être remué et secoué devant telle injustice… Difficile aussi de ne pas avoir les larmes aux bords des yeux et le cœur au bord des lèvre devant un tel gâchis humain… Il ne faut pas s’étonner de voir cette crise des vocations sans précédent qui touche le métier de Professeur des Ecoles au vu de leur manque de considération et des piques dont ils sont sans cesse l’objet de la part des citoyens, des médias ou de leur ministre de tutelle. Un Etat qui délaisse à ce point ceux qui sont censés forger l’avenir de notre pays pose indéniablement question… Et laisse augurer d’un bien sombre futur…