Tim Burton, même s’il n’a pas toujours su l’exprimer, possède cette étincelle du génie dérangé et dérangeant qui avait fait de moi (et de bien d’autres) un fervent adepte de son cinéma, depuis L’étrange Noël de Mr Jack à Sleepy Hollow.
Malheureusement, il commit l’irréparable
en saccageant ce grand classique du cinéma d’anticipation qu’est « La Planète des Singes » et en faisant de son adaptation un blockbuster poussif et frisant le ridicule; preuve que la planche à billet ne sait toujours pas tourner des films toute seule…
Mais détournons le regard et penchons nous un peu au dessus de la surface de l’étang dans lequel baigne ce « Big Fish ». Vous y êtes ? Sortons la canne à pêche…
Très vite, c’est nous qui mordons à l’hameçon, tirés dans les profondeurs de l’imaginaire « Burtonien » par le récit de l’insaisissable narrateur Edward Bloom (Albert Finney, grandiose en conteur grandiloquent), dans d’incroyables aventures où l’étrange ne le cède qu’au burlesque.
Incroyables ? Effectivement. C’est là le nœud de l’histoire, quand le propre fils d’Edward Bloom se demande, au terme de la vie de ce dernier, si il le connaît vraiment. Prisonnier d’un monde moderne aux préoccupations bien trop concrètes, le personnage incarné par le séduisant Billy Crudup a perdu la foi en son père et, par conséquent, ne sait plus ce qui est vrai de son enfance et, donc, d’une part de son identité. A force de parler, le père a fait taire son fils. C’est à deux qu’ils rétabliront l’équilibre entre une imagination qui étouffe le réel et un pragmatisme qui a oublié que rêver, c’était aussi exister…
Conte de fées kitsch, le dernier film de Burton irradie l’écran de sa fraîcheur fantasque et romantique. Plein de poésie et d’imagination, c’est une cure de jouvence pour tous et un véritable plaidoyer pour l’Imaginaire.
Ewan McGregor y est irrésistible en gentil garçon, Alison Lohman (sa future femme) rayonne d’une beauté lumineuse qui vous laissera pantois (merci la photo), et le reste du casting n’est guère en reste, et pour cause (un « cocorico ! » pour Marion Cottilard)…
Car « Big Fish », c’est d’abord une galerie de personnages et de lieux extraordinaires qui n’en finiront pas de vous faire rire ou de vous émouvoir. Tout cela reste loin des standards hollywoodiens actuels et sonne sans ambiguïté « fifties ». Ici, on délaisse les bourratifs effets spéciaux en faveur de décors de carton-pâte qui n’en ont pas moins de crédibilité, puisque le tout est compensé par notre envie d’y croire et que le jeu loufoque des acteurs et le scénario délirant y trouvent naturellement leur place.
C’est aussi et surtout à une mélancolique histoire d’héritage que vous êtes conviés, d’autant plus dramatique qu’il appartiendra au fils d’être père et de transmettre le secret…
Et la chute du film est bouleversante, parce qu’elle pointe du doigt cette vérité essentielle qu’il appartient à chacun de vivre et de perpétuer : la magie du monde existe, à condition de savoir la voir…