Janvier 1919. Si les combats ont cessé depuis plusieurs semaines, l’armistice n’est toujours pas signé et, pour de longues années encore, le pays porteles stigmates de la guerre…
Lucien, amputé d’une jambe, et Luigi font route vers Valencourt, là où tout a commencé, espérant y retrouver Lucas et Ludwig dont ils ont perdu la trace durant leur pérégrinations… L’occasion pour Luigi de leur raconter comment, arrivant au pavillon de chasse du Comte, il n’a pu que constater l’absence de ses amis…
Arrivés à Valencourt, les deux Lulus apprennent que leurs amis ne sont pas reparus et se font embaucher sur le chantier de l’église pour patienter, dans l’attente de nouvelles émanant de l’abbé à qui le prêtre a écrit pour prendre des nouvelles des orphelins…
Persuadés que leurs amis sont en vie, Lucien et Luigi ne perdent pas espoir… Mais le jour des retrouvailles semble encore loin…
Se plonger dans un nouvel album des Lulus, c’est presque retrouver des amis que l’on a un peu perdu de vue… Lucien, précédent tome de la série, était un album empreint de mélancolie… Porté par la plume subtile et délicate de Régis Hautière, Luigi, septième tome de la série, s’avère tout aussi prenant…
Le retour aux sources s’avère particulièrement émouvant… Lorsque Lucien et Luigi pénètrent dans la cabane qu’ils avaient construit avec les autres Lulus plusieurs années auparavant (presque une éternité !) le lecteur sent remonter une foule de souvenirs diffus, partageant les émotions de nos deux gamins que la guerre a si profondément transformé… Qu’il est loin le temps de l’insouciance de leur jeunesse ! Avec sa composante aventure et ce mystérieux trésor qui fleure bon le club des cinq, le scénariste met en scène une foule de personnages savamment travaillés, parfois horripilants mais bien souvent très attachants… car profondément humains…
Le dessin de Hardoc est comme de coutume tout à la foi sensibilité et délicat. Le dessinateur parvient à faire vieillir chacun de ses jeunes héros de façon particulièrement convaincante, apportant au fil des albums une touche de gravité montrant combien les épreuves des années de guerre les ont profondément marqués. Sa narration s’avère particulièrement fluide, jouant avec art de la temporalité grâce à une colorisation soignée qui lui permet d’enchâsser un flashback dans un autre avec une désarmante facilité… Si les Lulus sont si attachants, ils le doivent indéniablement aux crayons de Hardoc qui parvient à faire s’incarner ces êtres de papiers imaginés par Régis Hautière…
Après bien des pérégrinations, Lucien et Luigi reviennent sur les lieux qui ont vu naître leur amitié, espérant y retrouver Lucas et Ludwig dont les traces se sont perdues dans les méandres de la guerre…
Si on se laisse une fois encore embarquer par le scénario plein de sensibilité de Régis Hautière, c’est surtout grâce à la qualité d’écriture des personnages qu’on voit subtilement évoluer au fil des tomes et de leurs aventures. Car c’est peu dire que l’on retrouve avec plaisir nos deux Lulus tant on s’est attaché à cette bande de gamins qui ont laissé dans les années de guerre une part de leur innocence et de l’insouciance de leur jeunesse… Le trait expressif et délicat de Hardoc fait une nouvelle fois merveille, nous entraînant dans le sillage des Lulus avec une facilité confondante…
Abordant la guerre à hauteur d’enfants, ce nouveau tome de la Guerre des Lulus est une fois encore une grande réussite…
- Vous êtes des paysans vous-autres ?
- Non, m’sieur.
- Vous seriez pas des tire-au-flanc des fois ?
- des quoi ?
- Il veut dire des déserteurs. Vous avez quel âge ?
- 19 ans cette année, m’sieur.
- Classe 1920. Trop jeunes pour être engagés. Mais z’avez eu de la chance ! Ceux de la classe 1919 ont été mobilisés en avril l’année dernière. Si la guerre avait duré quelques mois de plus, vous étiez bons pour la faire. Ceci dit, la paix n’est pas encore signée. Si les allemands rejettent le traité, ça pourrait bien repartir comme en 14.
- Et là, vous n’y couperez pas. On vous mettra un uniforme sur le dos et on vous enverra bouffer du boche !
- Avec ma jambe, ça m’étonnerait.
- Ta jambe ?... Ah merde… j’avais pas fait gaffe.dialogue entre Lucien, Luigi et deux poilus
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