


Virginie, juin 1862. L’armée de l’Union fait face à celle du Général Lee, retranchée à Yorktown mais hésite à attaquer en raison d’un rapport de force pas suffisamment favorable…
Pendant ce temps, la cavalerie de Jeb Stuart harcèle l’armée nordiste pour tenter d’y déceler une faille et s’y engouffrer pour affaiblir les lignes-arrières… Le Colonel Cooke charge le Lieutenant Kane de prendre la tête d’un escadron pour capturer Stuart… Mais pour contrer la crème de la crème de l’armée confédérée, il ne lui oppose qu’une bande de bras cassés sans foi ni loi aussi dangereux qu’une grenade dégoupillée et qui feraient passer les douze salopards pour des enfants de cœur…
Pas sûr que leur mission soit couronnée de succès… Mais le veut-on seulement ?
Annonciatrice de la guerre moderne, la Guerre de Sécession et son cortège d’horreurs n’a pas fini d’inspiré romancier, cinéastes et scénaristes… Avec
Ennemis, Kid Toussaint s’empare de la thématique pour tisser un récit un brin déjanté dont la tonalité n’est pas sans évoquer les Tuniques Bleues de Raoul Cauvin et Willy Lambil (sans oublier Louis Salvérius qui en fut le premier dessinateur !), série qui abordait avec humour mais lucidité la guerre en général et celle de Sécession en particulier…

Dès les premières pages, le ton est donné avec l’irrésistible présentation de la bande de bras cassée avec laquelle le Lieutenant Kane va devoir damer le pion à une compagnie toute entière… Le genre de personnes sur qui on n’est pas vraiment sûr de pouvoir compter au cœur des combats… ni même en temps de paix d’ailleurs… Entre une brute alcoolique imprévisible, un séducteur qui tient plus du violeur, un poseur de bombe lunatique, un pâle type inquiétant qui joue du couteau et un gamin orphelin devenu cavalier après n’avoir été que tambour, le fait est que Kane ne part pas gagnant… Loin s’en faut…
Pour corser le tout, il semblerait qu’un traître se soit infiltré dans la joyeuse bande, offrant aux soldats désœuvrés de sympathiques prétextes pour parier sur son identité… Artifice scénaristique savoureux qui permet au scénariste de mettre à jour les rumeurs courant sur chaque membre de l’escouade, les faisant tour à tour passer pour le traître idéal… D’ailleurs, ils n’ont de bande que le nom car en matière d’individualismes forcenés jouant chacun sa propre partition sur un bastringue dissonante (quand il n’improvisent pas purement et simplement au grès de leurs pulsions !), ils sont tout de même remarquables… Mais personne n’est à l’abri de surprises, à commencer par le lecteur qui se fait balader de bout en bout jusqu’à un final délicieusement déstabilisant…
Après avoir fait ses classes avec
le Gecko sur un scénario de Country et Loïc Godart, Tristan Josse signe un second album impressionnant de maîtrise.

S’inscrivant dans une veine semi-réaliste, son trait souple et dynamique s’avère formidablement expressif et les postures théâtrales qu’adoptent les différents protagonistes renforcent l’aspect délirant et joyeusement décalé de certaines scènes, de même que son découpage, d’une folle efficacité, qui impulse un rythme de lecture soutenu et rend certaines répliques tout simplement irrésistibles (« Oh, pardon ! Dans ce cas vous feriez mieux de rappeler Noto et Kaverin » )… Véra Daviet fait comme de coutume montre de ses talents de coloriste, soignant tant les flashbacks qui se parent de teinte sépias que le récit proprement dit…
Ennemis nous entraîne au cœur de la Guerre de Sécession pour un diptyque déjanté mettant en scène une joyeuse (mais inquiétante !) bande de bras cassés lancés dans une mission à l’issue plus qu’incertaine…
Souple et dynamique, le trait semi-réaliste de Tristan Josse met en scène avec une redoutable efficacité le récit inventif et les personnages inquiétants et déjantés de Kid Toussaint qui joue avec les nerfs du lecteur en brouillant les pistes et les repères du lecteur jusqu’à la révélation finale qui vient replacer l’histoire dans une tout autre perspective…
Fort heureusement, il ne faudra pas attendre trop longtemps pour lire la suite de ce récit irrésistiblement débridé… Mais il nous tarde d’avoir l’autre versant de cette histoire menée au triple galop !
Il m’a donné une poignée de soldats que je vous demande de mener à l’arrestation de Stuart, Lieutenant Kane ! Voici vos hommes.
- Mais… c’est une blague ? Ils ne sont que cinq !
- Avec vous ça fait six !dialogue entre le Lieutenant Kane et le Colonel Cooke