Fils d’un cultivateur de fraises, Thomas Shaper était destiné à prendre la succession de l’entreprise familiale… Mais le jour de ses treize ans, il comprend qu’il n’est pas fait pour cette vie et, des années plus tard, il quitte son Québec natal et le giron familial pour une école d’art newyorkaise…
Peintre stakhanoviste, il créé son propre style. Au cours d’une soirée, il croise la pétillante Joan, autrice de chansons. Alors que tous deux se cherchaient, ils se sont trouvés et ont forgé un pacte d’indamour, mêlant indépendance et sentiment amoureux…
Un jour, une de ses toiles, peinte un jour de colère, attire l’attention d’Andy Warhol et Big Man, son trader, lui commande dix toiles contre une avance considérable… Mais, écrasé par le poids de la tâche, Thomas Shaper est en panne d’inspiration et prend la tangente. Dans un bar de Los Angeles, il croise le légendaire Johny Cash en plein doute… Le chanteur lui confie être à la recherche d’un « diable d’endroit » où il pourrait fuir le cirque médiatique et le mercantilisme qui gangrène sa création… Errant sur les mêmes chemins que lui, Thomas Shaper se propose de le lui trouver…
Venu du monde de la musique (il a écrit pour Petula Clark, excusez du peu !), Tom Graffin a publié son premier roman, Jukebox Motel, en 2016… C’est ce roman qu’il se propose d’adapter en bande-dessinée avec la complicité de Marie Duvoisin, talentueuse dessinatrice du bouleversant Nos embellies scénarisé par Gwénola Morizur…
Mettant en scène une touchante galerie de personnage, souvent très attachant, le scénariste joue les équilibristes entre drame et poésie… Le drame est en germe dans les propos violent du père qui , déçu de voir son fils tourner le dos à l’exploitation familiale, lâhce le lapidaire : « tâche de bâtir quelque chose à la hauteur de ce que tu as détruit »… La poésie est distillée par la touchante relation que tissent Thomas et Joan à travers leur délicieux contrat qui esquisse les contours d’une relation amoureuse idéale qu’ils s’inventent et tentent de vivre, pleinement, sans pour l’instant y parvenir…
Mais l’histoire nous entraîne surtout dans les coulisses de la création artistique, avec ces deux artistes en plein doute… L’un parce qu’il a peur de se perdre dans le grand cirque médiatique; l’autre parce qu’il est étouffé par le carcan des commandes qu’il doit à Big Man… La relation entre cet imposant acheteur et Thomas semble presque tenir du pacte faustien tant l’artiste semble lié par l’argent qu’il a reçu, comme d’autres signent de leur sang… Va-t-il, comme le malheureux héros du conte allemand immortalisé par Goethe, y laisser une part de son âme ?
Sensibles et délicats, les crayons de Marie Duvoisin donnent vie à des personnages confondant d’humanité. Son approche graphique lui permet de retranscrire avec force les états d’âme des différents protagonistes et les liens qui les unissent. La scène où Thomas quitte la maison familiale est tout juste bouleversante alors que celles où Joan et lui entame une relation pleine de tendresse et de complicité s’avère particulièrement touchante… Ses couleurs sont au diapason des émotions de ses personnages alors que ses cadrages rendent sa narration particulièrement fluide…
Interrogeant le lecteur sur les affres de la création artistiques, La mauvaise fortune de Thomas Shaper amorce un récit captivant oscillant entre drame et poésie…
Artiste prometteur du milieu artistique underground newyorkais, Thomas Shaper voit sa créativité entravée par un juteux contrat qui fait de lui un homme riche mais contraint de livrer dix toiles en un temps record… Préférant prendre la tangente, il va croiser la route du légendaire Johny Cash, lui aussi en plein doute, et va s’efforcer de lui trouver un « diable d’endroit » où tous deux pourront exprimer leur créativité…
Porté par les crayons sensibles et les couleurs délicats de Marie Duvoisin qui donnent vie à une poignée de personnages particulièrement attachants, Tom Graffin signe avec Jukebox Motel une remarquable adaptation de son roman éponyme.
- On cherche tous un refuge loin de ce cirque.
Un cirque, tu as raison ! Même Folsom, ils en ont fait une piste ! Bon Dieu de Cobbler ! Où est l’homme que je devais être ? Tout le monde me reconnaît, mais moi ? Mais moi ? Je ne me reconnais plus. Tu pourrais peut-être me trouver un endroit loin de ce cirque ? Un diable d’endroit.dialogue entre Thomas Shaper et Johny Cash
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