Belgique, 1887. Jean Jansen travaille comme docker dans le port d’Ostende. Par un improbable hasard et un malheureux concours de circonstances, le voilà embarqué comme passager clandestin à bord du Belgica, un baleinier réaménagé en navire scientifique pour une mission d’exploration en Antarctique… Contre son grès, Jean laisse sur le quai Elke, sa promise… qui ne semble pas du genre à pardonner facilement…
Contraint de faire un bout de route avec l’équipage, essentiellement composé de norvégiens, jusqu’à leur prochaine escale au Portugal, Jean va se mêler à l’équipage, apprenant les rudiments de la vie de marin tout en étant chargé de s’occuper des chiens de traineau.
Sitôt débarqué, il cherche un navire marchand pour regagner Ostende… Pourtant, au moment de réembarquer, Jean décide de participer à l’expédition, pour revenir les poches pleines auprès de sa belle…
Avec
le Belgica, Toni Bruno nous propose un récit d’aventure maritime captivant. Solidement documenté, son récit s’appuie de nombreux écrits et documents parlant de la fameuse expédition scientifique qui, sous la houlette d’Adrien Victor Joseph, baron de Gerlache de Gomery, parti explorer l’Antarctique, dernière Terra incognita du globe…
Mais plutôt que de nous conter les différentes péripéties qui émaillèrent ce voyage à bord du Belgica avec un équipage douteux et des scientifiques appelés à un brillant avenir, l’auteur s’intéresse à un anonyme dont certaines sources prétendent qu’il embarqua à bord du navire… Mêlant faits avérés et fictions, personnages historiques et inventés, Toni Bruno tisse une histoire d’autant plus captivante qu’elle se compose de deux récits parallèles qui s’enchevêtrent à des miles de distances : l’une se centrant sur Jean et son apprentissage de la vie de marin, l’autre sur Elke avec qui il devait se fiancer et qui se fait un sang d’encre pour son amant disparu alors que les compagnons de Jean, involontairement à l’origine de sa disparition, tentent de retrouver sa trace… Ces récits alternés impulsent un rythme lancinant à l’album et rende l’histoire plus immersive encore…
Toni Bruno décrit avec finesse la tension qui pouvait régner à bord du navire où la discipline pausa rapidement problème, du fait des différentes nationalités embarqués à bord et de la difficulté de communiquer. L’auteur met en scène avec efficacité les doutes du jeune docker qui va sentir naître en lui une vocation d’explorateur qui l’entraînera à côtoyer d’éminents scientifiques, tels Roald Amundsen ou Frederick Cook qui marqueront l’histoire en revendiquant, quelques années plus tard, la découverte du Pôle Sud pour l’un et du Pôle Nord pour l’autre…
Et il y a le dessin élégant de l’auteur qui séduit dès la somptueuse et romantique couverture qui donne d’emblée le ton de cette aventure maritime… Pour composer ses planches, l’artiste n’utilise pas de couleur mais un lavis parfaitement maîtrisé faisant la part belle aux ombres et à la lumière. Tout à la fois souple et nerveux, son encrage s’avère plein de vie, animant une foule de personnages hétéroclites doté d’une forte personnalité et traversés par des vagues d’émotions que le dessinateur retranscrit avec une redoutable efficacité.
Précis et efficace, son découpage rend la lecture de l’album particulièrement agréable tout en nous livrant de superbes visuels maritimes…
Après son étranger d'en haut la Terre est si belle ou son Kurt Cobain, « When I was an Alien » qui revenait sur la vie du chanteur de Nirvana, Toni Bruno nous entraîne à bord du Belgica, célèbre baleinier reconvertit en navire scientifique, alors qu’il entame sa route vers l’Antarctique.
Pour nous raconter cette expédition dirigée par Adrien de Gerlache de Gomery, il décide de nous conter la vie fictive de Jean Jansen, un docker embarqué bien malgré lui comme clandestin lors du départ d’Ostende et donc certains documents mentionnent l’existence…
Mis en image par la plume élégante et nerveuse de l’auteur italien, le dessin est sublimé par des lavis somptueux qui contribuent à poser cette atmosphère aventureuse qui baigne cet album composé de deux récits parallèles qui impulse un rythme de lecture lancinant…
- Dé… Désolé monsieur… Je n’ai pas pu l’arrêter !
- Grrr… Calmez-vous ! Quel est le problème ?
- Je n’en sais encore rien. Mais je suis sûre que ces deux-là y sont mêlés ! Jean n’est pas rentré la nuit passé !
- Quoi ?
- Merde…
- Le disparu est-il votre mari ?
- Pas encore ! Et il a peu de chances de l’être un jour, après ceci !dialogue page 53-54