Edgar Degas mort, Mary Cassatt vient se recueillir sur sa tombe avant de se rendre dans son dernier atelier pour y chercher la clef de l’énigme Degas, peintre dont elle fut l’amie et dont elle admirait l’œuvre… L’occasion de revenir sur la vie de cet artiste qui s’était donné pour mission de révolutionner l’art en trouvant la beauté de son époque.
Issu d’un milieu aristocrate et hanté par son art, ambitionnant de devenir l’un de ces grands maîtres qui allait marquer son temps, Degas sacrifia tout à la peinture et à la sculpture : ses amis et ses amours. Doté d’un humour féroce et d’une ironie mordante, il s’attira bien des inimités. Tournant le dos au Salon, au contraire de Manet, il fut l’instigateur et l’animateur des expositions qui contribuèrent à faire bouger les lignes… alors même qu’il méprisait leur peinture au moins autant qu’il exécrait le classisme.
Entre classicisme et impressionnisme, l’artiste rêvait rien de moins que de donner naissance à l’art du XIXeme siècle.
Après leur remarquable Monet, nomade de la lumière, Efa et Salva Rubio se penche sur le cas Degas, artiste colérique et insaisissable qui reste, aujourd’hui encore, une énigme pour les historiens de l’art.
Plutôt que de nous proposer une simple biographie, les auteurs ont choisi un angle d’attaque pour le moins passionnant : raconter sa vie au travers de la relation complexe et ambivalente qu’il entretint avec la talentueuse Mary Cassatt dont l’approche de la peinture s’inscrit dans la même veine que celle de Degas qui devint son maître et son ami et lui ouvrit les portes de la quatrième exposition des peintres impressionniste.
Les auteurs brossent un portrait étrangement contrasté et nuancé de Degas. Artiste brillant et visionnaire, ils le dépeignent aussi comme un homme antipathique et cassant, profondément imbu de lui-même. Un peintre qui, toute sa vie durant, s’est efforcé d’ouvrir une voie entre les classiques et les impressionnistes, de tracer sa propre route… n’hésitant pas pour ce faire à manipuler ses amis les plus proches et à sacrifier leurs amitiés, s’interdisant même d’aimer, pour ne pas parasiter son art. Mais le scénariste souligne aussi les doutes qui rongèrent Degas et le firent abandonner bien des œuvres. Mais l’album esquisse aussi, en creux, le portrait d’une époque et les prémisses de la révolution qui agitait les milieux artistiques et dont Degas fut l’un des instigateurs.
A l’instar de leur album consacré à Monet, les planches sont une petite merveille de beauté. Efa explore avec élégance le style de Degas avec une telle efficacité qu’on a la furieuse et enivrante impression de se promener dans les toiles du maître, comme si on voyait cette fin du XIXe siècle avec les yeux de l’artiste. La narration n’en reste pas moins particulièrement fluide et son Degas s’avère à la fois sublime et insupportable, génial et cruellement invivable. Il parvient à retranscrire la relation si particulière unissant Degas à Cassatt, faite de respect mutuel, d’admiration, de non-dits et d’incompréhension. Il suffit de contempler la couverture pour prendre la mesure du talent de l’auteur espagnol… Un album somptueux en plus d’être passionnant…
Après nous avoir entraîné dans l’univers de Monet avec leur remarquable Monet, nomade de la lumière, Salva Rubio et Efa nous propose de lever le voile sur un pan du mystère Degas, peintre brillant et visionnaire mais homme invivable et intransigeant qui cherchait à ouvrir une voie entre un classicisme qu’il détestait et l’impressionnisme qu’il méprisait.
S’appuyant sur une solide base documentaire, tels les carnets dans lesquels le peintre retranscrivait ses états-d’âmes ou les témoignages de ses contemporains et des artistes avec qui il a œuvré, les auteurs composent un portrait complexe et contrasté en prenant comme biais la relation qu’il entretint avec Mary Cassatt dont il se sentait, artistiquement au moins, proche. Si sacrifiant amitiés et amour à son art, Edgar Degas fut un tout à la fois un insupportable misogyne, un misanthrope probable ainsi qu’un antisémite et un antidreyfusard convaincu, il n’en révolutionna pas moins la peinture et marqua l’histoire de l’art de son empreinte, indélébile.
Degas, la danse de la solitude est complété par un épais et passionnant dossier signé par Salva Rubio et dans lequel il revient sur les différentes séquences de l’album pour les compléter… absolument passionnant !
Chaque époque possède sa beauté. Quelle est toutefois la beauté de mon temps ? C’est à moi de la trouver. Mais où chercher ? Où ?Degas
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